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À l’Opéra Bastille, un Lac des Cygnes très français

Marronnier des spectacles des fêtes de fin d'année, Le Lac des Cygnes permet au Ballet de l'Opéra national de Paris d'asseoir la réputation d'une nouvelle génération d'Étoiles, fine fleur de l'école de danse française. La distribution de la Première relève le défi des grandes soirées de ballet !


Seule Étoile masculine inscrite au tableau des distributions,  est absolument sensationnel dans cette première distribution du Lac des Cygnes. Quand, dans l'imaginaire collectif, la danse académique se fait synonyme de grâce, de légèreté et d'élégance, le discours du critique devrait se faire encore plus avisé et plus spécialisé. Mais en réalité, l'évidence de la danse de est telle que la simplicité des mots caractérisant sa danse s'imposent : on ne peut que s'extasier devant des réceptions de sauts sans absolument aucun bruit, des pirouettes parfaites de bout en bout, une saltation haute et naturelle.

Le danseur sait se faire humble devant la grandeur d'un personnage habituellement torturé, romantique ou névrosé, en préférant un prince altier manipulé par des forces trop fortes pour lui. Sa grande sécurité technique se double d'une pure sérénité (telle la variation lente de l'acte premier), avec une musicalité de grande qualité (l'anticipation de la fin de ses pirouettes concorde impeccablement avec les cadences musicales).

Enfin, est un partenaire présent, attentif et harmonieux dans l'accompagnement des ports de bras de sa partenaire. A son intelligence intuitive répond celle, réfléchie, de . La danseuse Étoile est un roc de santé qui convainc mal dans un cygne blanc chétif et qu'il faudrait protéger. On connaît l'aspect soigné et appliqué de sa danse, il y manque la respiration pour le premier acte blanc. C'est donc en cygne noir qu'elle paraît manifestement la plus avide, avec des équilibres francs et attendus (comme dans l'adage) ainsi qu'une tension brillante dans sa variation qui pourtant est écrite de façon pernicieuse (avec une coda périlleuse, mais correctement rattrapée).

De son côté, en Rothbart a déjà l'assurance des grands rôles, réalisant parfaitement sa variation et il faudra le suivre dans des rôles nobles pour en apprécier toute la présence scénique.

Le pas de trois permet à de faire valoir sa belle petite batterie et à , son élégant travail de ports de bras et ses pirouettes. Ce duo fait les beaux jours des variations féminines dans les pas d'action. En revanche, leur partenaire , malgré de belles cabrioles battues dans sa coda, mesure mal l'espace du plateau et fait preuve d'une certaine frilosité dans sa danse, mais cela se corrigera assurément avec l'exercice de la scène.

En revanche, le corps de ballet ne se montre pas à son avantage en cette soirée de Première. Cela peut arriver, bien sûr, et habituellement se travaille suffisamment au cours d'une série pour parvenir à une harmonie plus lisible dans les dernières représentations. Mais ce soir là, les lignes ne sont pas toujours très nettes (la Polonaise des garçons semble à l'économie, les quatre petits cygnes manque de la mécanique bien huilée qui convient) et les danses de caractère sont encore très brouillonnes. Néanmoins, l'enthousiasme parcourt l'ensemble de la soirée et la vitalité de la troupe laisse espérer que la pratique de la danse classique ne manque pas trop aux danseurs qui n'ont eu que peu de productions pour l'exercer.

Crédits photographiques : © Yonathan Kellerman, Svetlana Loboff / Opéra National de Paris

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