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Christian Thielemann à Berlin, post-romantismes sans complexe

Le programme choisi est varié et intéressant, la réalisation souvent contestable, avec pour des Letzte Lieder peu incarnés.


est très présent à Berlin en cette fin d'année : après avoir remplacé Daniel Barenboim pour un nouveau Ring à la Staatsoper, le voilà en piste pour prendre sa succession et retrouver un poste dans sa ville natale, pour la première fois depuis son départ du Deutsche Oper en 2004. En attendant, ce n'est pas la Staatskapelle qu'il dirige ce soir, mais le Philharmonique, dans un programme original et bien construit : Wagner avec Parsifal, Pfitzner avec Palestrina, Schönberg avec Bach, trois compositeurs post-romantiques se retournent vers un passé lointain, où musique et religion sont associées. Thielemann a naturellement souvent dirigé Parsifal ; cette version symphonique a un sens dramatique incontestable, un élan véritablement post-romantique, sans craindre la surcharge expressive ; on est tout de même un peu surpris de le voir si peu soucieux de transparence, si prosaïque somme toute. L'enchantement du vendredi saint résiste mieux à ce traitement que le prélude de l'acte I ; heureusement, les solistes de l'orchestre font parfois oublier ce manque d'élévation, à commencer, comme souvent, par le hautbois d'Albrecht Mayer.

Le premier des trois préludes du Palestrina de Pfitzner est sans aucun doute le plus beau moment de la soirée ; le recueillement des vents qui ouvrent la pièce a la teinte de mystère qui manquait aux extraits de Parsifal ; le deuxième prélude, beaucoup plus violent, retombe dans des excès expressifs qui ne servent pas la pièce, tandis que le troisième ne parvient pas tout à fait à la concentration d'émotion du premier. Le kitsch décomplexé de l'orchestration de Bach par Schönberg qui clôt le concert va comme un gant à Thielemann, plus que les hautes sphères spirituelles, et lui vaut une standing ovation : le principal mérite de la pièce est de mettre en valeur les différents pupitres, et il ne faut pas en vouloir au chef s'il ne parvient pas à donner une cohérence à ce pur morceau de bravoure.

Au milieu de ce programme tourné vers le passé, vient interpréter les Quatre derniers Lieder de Strauss, où la relation au passé est beaucoup plus individuelle et intime. Elle apparaît trop effacée dans les deux premiers Lieder, qui nécessitent plus d'investissement expressif ; les deux autres pourraient supporter un travail un peu plus intense sur le texte et des couleurs vocales plus diversifiées, mais la beauté pure de la voix finit par payer, par exemple pour les vocalises en volutes ascendantes de Beim Schlafengehen, mais cette beauté musicale ne s'accompagne pas d'une émotion comparable. Le violon solo de Daishin Kashimoto apparaît approximatif et sentimental dans le dernier Lied, ce qui n'est pas sans rapport avec une direction qui privilégie l'extériorité au travail de l'émotion.

Crédits photographiques : © Stephan Rabold

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