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Franz Liszt et l’orgue avec Anna-Victoria Baltrusch à Lucerne

Revenir aux grandes pièces pour orgue de procure à chaque fois de nouvelles approches, vectrices de découvertes et d'émotions diverses. Le récent enregistrement d' sur l'orgue monumental de Lucerne apporte une vision éclatante des trois grandes pièces, rehaussées d'une transcription de sa Danse macabre.

, l'immense pianiste virtuose, s'était rapproché de l'orgue qu'il traita de manière tout à fait originale. A côté de nombreuses compositions plus ou moins importantes qu'il consacra à cet instrument dans la deuxième partie de sa vie lorsqu'il devint l'abbé Liszt, franciscain, la postérité garde surtout de lui les œuvres proposées ici. Un hommage très appuyé pour avec son célèbre Prélude et fugue dont il écrivit plusieurs versions pour le piano et l'orgue débute ce programme. D'entrée, l'espace est rempli d'une sonorité puissante et généreuse, puisant ses ressources dans le grand orgue de l'église catholique de Lucerne. Régulièrement transformé et agrandi au cours des siècles, les possibilités acoustiques sont vertigineuses et permettent certains équilibres ou plans sonores assez différents des orgues romantiques que nous pouvons écouter en France. La musique de Liszt convient plutôt mieux à ce genre d'instrument, ici réparti sur sept plans sonores. Une division en écho à distance du buffet principal permet un surcroit d'espace sonore dont l'interprète ne se prive pas de tirer parti.

La Fantaisie et fugue sur « Ad nos ad salutarem undam » est inspirée d'un choral écrit par Giacomo Meyerbeer pour son opéra Le prophète (1849). Liszt compose là une immense fresque dépassant la demi-heure et dont Camille Saint-Saëns dira plus tard qu'elle était la plus belle pièce pour orgue jamais écrite. Liszt y livre tout son savoir de virtuose au clavier, tout en créant un souffle intense tout au long de la pièce. On compte pas moins de treize sections qui s'enchainent comme souvent le compositeur aime le faire. Cette œuvre est à rapprocher de son unique Sonate en si mineur pour piano, de même envergure et finalement de structure assez analogue.

offre un autre hommage à en allant choisir dans la cantate BWV 12 un chœur de déploration « Les pleurs et les lamentations, les tourments et le découragement ». Bach reprendra plus tard cette musique pour le « Crucifixus » de la Messe en si. Ce thème tourmenté inspire hautement Liszt qui écrit un chef-d'œuvre. C'est dans doute la pièce la plus organistique de la série, écartant plus naturellement tout effet virtuose à effets. Après cinq mouvements enchainés, l'œuvre se termine tout comme dans la cantate par le choral : « Ce que Dieu fait est bien fait ».

L'attrait particulier de cet album vient aussi de la présence de l'adaptation à l'orgue de la fameuse Danse macabre initialement écrite pour orchestre en crée en 1862. Liszt en propose également une version pour le piano. A partir de ces sources, l'organiste propose une version incroyablement éblouissante, voire spectaculaire. La pièce est longue de douze parties relançant constamment l'action. C'est dans cette œuvre que l'interprète montre le plus ses qualités de grande virtuose et de musicienne très subtile dans le choix des jeux, des équilibres et du côté orchestral donné à ces pages. Par une grande musicalité, elle nous fait aimer Liszt organiste, alors que lui-même le fut assez peu, bien que grandement inspiré dans ces compositions.

Voici une version qui fait partie désormais des références, sur un orgue exceptionnel de plus de 100 jeux et dans une prise de son très soignée.

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