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Rigoletto au ROH de Londres : on se lève tous pour Lisette…

Donné en ouverture de la saison 2021/22 du Royal Opera House de Londres, capté par Opus Arte, ce Rigoletto de luxe, mis en scène de façon assez convenue par , dirigé avec une efficacité discrète par , voit la confirmation triomphale de la soprano en Gilda.

C'est peu de dire qu'elle était attendue, cette nouvelle production, puisqu'elle correspondait à la première mise en scène du directeur du ROH, ; qu'elle actait le 20e anniversaire du chef à la direction musicale de l'institution londonienne ; en même temps qu'elle constituait la première nouvelle production de Rigoletto depuis 20 ans à Covent Garden…

Pour sa première mise en scène « in loco », oriente sa lecture de façon éminemment classique, et sans surprise, suivant deux axes principaux. D'une part l'histoire de la malédiction : Rigoletto, bouffon bossu du Duc de Mantoue, a le tort de faire rire du le malheur des autres. Il est maudit par un père déshonoré et va voir sa fille séduite à son tour par le Duc, pour qui elle se sacrifiera. Et d'autre part une critique socio-politique (si chère à Verdi après l'échec de la Révolution de 1848) assez succincte toutefois puisque se résumant à une dichotomie simple et manichéenne : d'un côte le Duc, prédateur sexuel, colérique et perverti, aimant les femmes, les œuvres d'art, vivant dans un luxueux palais ; de l'autre la masure décatie où vivent Sparafucile et sa sœur Maddalena, en haillons, dans des conditions insalubres et alcoolisées ; Rigoletto, ancien paysan et bouffon du Duc complète la trame dramaturgique en faisant le lien entre ces deux mondes antinomiques. Si la scénographie est assez épurée, se déclinant en trois tableaux : le palais du Duc où trône en toile de fond la Vénus d'Urbino du Titien, la chambre nue de Gida, et la maison de Sparafucile, en revanche la composante théâtrale est superbement assurée par une direction d'acteurs tirée au cordeau, bien pensée et un engagement scénique irréprochable de tous les chanteur-acteurs.

Dans la fosse, après une ouverture très expressive qui sent et annonce le drame par son tempo lent, ses contrastes abrupts, ses lugubres appels de cuivres et ses roulements effrayants de timbales, la direction de Sir va rapidement s'assagir sans rien perdre cependant de son efficacité dans le soutien de la dramaturgie, mais laissant une large place aux chanteurs et au théâtre.

La distribution vocale quant à elle alterne le bon et le moins bon : on passera rapidement sur le rôle-titre tenu par le baryton dont la voix a subi, hélas, les outrages du temps (manque de souffle, ligne chaotique) pour ne retenir de sa prestation londonienne que son exceptionnelle incarnation scénique qui va de l'arrogance au désespoir avec une justesse confondante. Le reste du casting ne souffre d'aucune réserve donnant beaucoup de relief aux nombreux ensembles. À commencer par la bouleversante Gilda de et l'éclatant Duc de . Rompue à ce rôle particulièrement difficile qu'elle a déjà chanté sur de nombreuses scènes internationales depuis sa prise de rôle en 2008 à la Nouvelle-Orléans, confirme une fois encore, et avec quel éclat, ses affinités profondes pour le personnage de Gilda avec un « Caro nome » en apesanteur (timbre lumineux, ductilité de la ligne, legato, souffle infini, vocalises aériennes) et une prouesse scénique de tous les instants associant innocence, pureté et héroïsme. Face à elle, campe un Duc qui séduit et dégoûte avec une parfaite élégance vocale (beauté du timbre, aisance vocale, puissance). est un Sparafucile de haute tenue avec son look gothique inquiétant et sa basse abyssale. donne à Maddalena toute la sensualité vocale et scénique nécessaire tandis que l'intrigante Giovanna de se montre très convaincante malgré la discrétion de son apparition. (Monterone), Dominic Sedgwick (Marullo), (Borsa), et le Chœur du ROH complètent avec bonheur cette belle production.

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