- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Herbert Blomstedt à la Radio Bavaroise, la grâce brucknérienne

Affaibli, et moins inspiré avec pour Mendelssohn, le doyen du monde musical continue d'enthousiasmer dans son répertoire de prédilection.


est de retour à la Radio bavaroise comme chaque saison. L'an passé, son concert avait eu lieu devant une salle vide aux trois quarts en raison des règles sanitaires ; cette fois, les quelque 1500 places de la Herkulessaal sont pleines, jusqu'aux places debout en fond de parterre, et des dizaines d'impétrants attendent devant la salle en espérant pouvoir racheter une place. Depuis une chute en juin dernier, Blomstedt dirige assis et doit être accompagné jusqu'à son pupitre, ce qui ne le conduit ni à alléger son agenda, ni à adapter ses programmes : celui de ce soir est particulièrement ambitieux.

La soirée commence avec le Concerto pour violon de Mendelssohn, le plus sous-estimé de tous les concertos romantiques. Il prend ce soir une teinte particulièrement sombre, qui ne prive pas l'œuvre de son élan romantique, mais privilégie les émotions à la séduction grisante.

semble vouloir se plier à ce choix ; l'entrée ébouriffante du violon est ainsi inhabituellement tourmentée et anguleuse, mais sans l'allant lyrique que Blomstedt sait conserver, comme l'épisode orchestral qui suit le montre bien : heureusement, il se reprend au cours du premier mouvement et s'intègre idéalement dans la perspective du chef. Il serait cependant vain de nier que la fatigue du chef, ici, est par moments perceptible : un travail un peu moins intense du son, un dialogue avec le soliste qui lui laisse un peu trop le beau rôle, des banalités dans la carrure de telle ou telle phrase. Cela n'empêche pas d'apprécier le choix interprétatif indiscutablement personnel du chef, mais il faut parfois suppléer par l'imagination des intentions inaccomplies.


Avec la Quatrième symphonie de Bruckner, Blomstedt retrouve le cœur de son répertoire, ce qui évite les baisses de régime de la première partie. Le premier mouvement est particulièrement passionnant, dès le frémissement des cordes – ce sont elles, cette fois, qui suscitent l'admiration dans le vaste ensemble orchestral, les vents, cuivres surtout, semblant par moments manquer un peu de nuances. Il est vrai que le concert est donné non dans l'Isarphilharmonie, mais dans la boîte à chaussures plus intime de l'Herkulessaal : le son a tendance à saturer dans les passages les plus forts et sans doute ce déséquilibre entre cordes et vents est-il ici un peu inévitable. Mais le mystère, l'ouverture sur des paysages nouveaux, l'atmosphère matinale, toute l'immensité des espaces brucknériens est bien là avec un chef qui a mûri toute une vie sa compréhension de l'œuvre de Bruckner. Le mouvement lent n'est jamais à l'arrêt, toujours introspectif et intense, avec une palette émotionnelle toute en nuances. Le troisième mouvement offre une chasse irrésistible ; le finale, lui, s'ouvre sur une image qui est presque de terreur, avant que les ondoyantes figures des cordes (encore elles) offrent une forme d'apaisement. À aucun moment dans la suite du mouvement les appels hymniques des cuivres ne tombent dans le triomphalisme facile, et le mystère n'est jamais très loin : la conclusion interrogative de l'œuvre a rarement trouvé meilleure justification qu'ici. Malgré toutes les difficultés physiques, malgré l'ampleur de la tâche, Blomstedt donne ici encore une leçon d'orchestre que les brandisseurs de baguette les plus spectaculaires d'aujourd'hui feraient bien de méditer.

Crédits photographiques : © Astrid Ackermann

(Visited 679 times, 1 visits today)