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La musique outsider de Samuel Sighicelli

« La création n'est pas juste destinée à des spécialistes ; elle est vitale » ; c'est ce que défend avec ardeur le compositeur en dialogue avec le musicologue Guillaume Kosmicki dans ce livre d'entretiens paru aux éditions MF.

C'est un véritable état des lieux de la création contemporaine qui se dessine à travers les réflexions formulées par nos deux interlocuteurs et le cheminement accompli par qui inscrit aujourd'hui plus de soixante œuvres à son catalogue. Pianiste et improvisateur, compositeur et performeur, Sighicelli aime concevoir des spectacles au croisement des arts, du théâtre, de l'image (il voulait à quinze ans devenir réalisateur !) et de l'électroacoustique. Comme de nombreux compositeurs de sa génération, l'électronique intègre sa pensée de la musique.

Avec Benjamin de la Fuente qu'il rencontre au CNSM de Paris dans la classe de composition de Gérard Grisey, il fonde en 2000 Sphota (le mot désigne le souffle originel dans la philosophie indienne), « une coopérative d'invention musicale » où les deux trublions de l'institution (qui sont inscrits également dans la classe d'improvisation générative d'Alain Savouret créée en 1992) et leurs partenaires instrumentistes vont assouvir leur désir d'exploration du monde sonore, sans se laisser enfermer dans des catégories et des styles : quitter les boîtes noires du concert et accueillir le public en l'intégrant à la réalisation sonore participent du désir de faire bouger les lignes du monde sonore.

Lorsque le groupe Sphota s'épuise en 2010, c'est Caravaggio qu'ils inaugurent, un collectif d'interprètes improvisateurs (Bruno Chevillon, contrebassiste, et Éric Échampard, guitariste) et de compositeurs louvoyant entre improvisation jazz et partition écrite. Sphota devient alors un bureau de production gérant les projets de Caravaggio (quatre albums à ce jour) et ceux des deux compositeurs. « Improviser et composer sont deux manières différentes d'aborder la musique », souligne Sighicelli. La problématique est au cœur du débat entretenu par les interlocuteurs de ce livre. « Il convient donc de trouver un équilibre entre l'écrit et le non-écrit », renchérit le compositeur.

Bon nombre de ses projets/spectacles confronte les deux univers (Marée noire, Spirale, Chant d'hiver, etc.) ou met en interaction l'instrument et l'électroacoustique comme dans ses Douze études pour piano et sampleur (2016), une œuvre qu'il joue sans partition mais dont il envisage de fixer l'écriture. Sighicelli multiplie les résidences longues qui favorisent les expériences de terrain (avec les scolaires notamment) et permet d'établir des contacts humains forts au sein desquels l'art prend un tout autre sens. Il a été jusqu'en juin 2022 président du SMC (Syndicat français des compositrices et compositeurs de Musique Contemporaine), une forme d'engagement pour trouver une place en tant que créateur dans le paysage actuel, « en imaginant toutes sortes d'avenirs axés sur une jouissance plus directe de la création, activée par l'interaction, l'expérience, le sens et l'intensité du présent » : telle est sa manière d'envisager son métier de compositeur, en résonance avec le monde dans lequel il vit.

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