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Robert Schumann en majesté, par Daniele Gatti et l’Orchestre National de France

Dans le cadre de sa nouvelle intégrale des symphonies de à la tête de l', dont il fut directeur musical, aborde les Symphonies n° 2 et n° 4 dans une lecture où la finesse de l'interprétation le dispute à la beauté éclatante de l'exécution.

 

A l'occasion de cette intégrale des Symphonies de donnée par et l' sans doute n'est-il pas inutile de « tordre le cou » à certaines idées circulant depuis des années selon lesquelles le compositeur ne serait qu'un piètre orchestrateur, accusé de lourdeur, de gaucherie et de maladresse, suscitant de fait de nombreuses révisions ultérieures, comme celle de Mahler notamment…Rappelons que Schumann fut quasiment autodidacte et que les classes d'orchestration n'apparurent qu'au XXᵉ siècle… De plus l'orchestre schumannien n'est assurément pas celui d'aujourd'hui : effectif plus réduit, moins de cordes, montage en boyau, cuivres naturels, correspondant plus aux normes « baroqueuses » actuelles, toutes caractéristiques auxquelles s'ajoute la survenue de sa maladie psychique dans les années 1850 dont témoignent notamment les deux versions de sa quatrième symphonie (1841, 1851). Aussi nécessite-t-il pour bien sonner une attention et une sensibilité particulière de la part du chef qui l'aborde. Sans avoir le génie de Berlioz ou la délicatesse de son ami Mendelssohn, Schumann mérite de bénéficier d'une direction allégée afin de pouvoir exalter la quintessence de ses œuvres. Message bien reçu par qui nous livre ce soir un Schumann incisif, puissant mais sans lourdeur qui confirme aujourd'hui avec maestria ses affinités avec le compositeur romantique allemand. On se souvient d'ailleurs des belles réussites du chef milanais dans le répertoire schumannien, notamment lors de sa précédente intégrale, ici même, avec le même orchestre en 2015, ou lors du concert-hommage à Claudio Abbado en 2014 à Dresde.

Si les Symphonies n° 1 (1841) et n° 3 (1850) répondent schématiquement à des inspirations plus « extérieures » : joie du mariage avec Clara pour la première et hommage au fleuve tutélaire de la grande Allemagne romantique pour la seconde, les Symphonies n° 2 (1845) et n° 4 (1841, 1851) semblent s'inspirer d'une quête plus « intérieure » : victoire et résignation face aux altérations débutantes de sa santé mentale et éclatement de la structure symphonique traditionnelle, lui permettant d'échapper à l'ombre écrasante de Beethoven.

La Symphonie n° 2, contemporaine du Concerto pour piano fut composée en 1845 au détours d'une grave crise psychologique où la musique lui servit de thérapie. Caractérisée par ses conflits tendus, par sa rythmique obstinée, par son dramatisme et son lyrisme brûlants, elle reste animée par une farouche envie de vivre. Entamé dans une solennité modérée avec des cuivres bien contenus l'Allegro débute sur un tempo assez lent, avant que le phrasé ne se creuse progressivement avec les entrées des cordes, des timbales et de la petite harmonie. Daniele Gatti met d'emblée l'accent sur la dynamique, la clarté et la transparence orchestrale dans une lecture chargée d'urgence, riche en nuances et en fluctuations agogiques qui trouvera son accomplissement dans un crescendo parfaitement amené. Le Scherzo séduit quant à lui par sa virtuosité orchestrale obsessionnelle et par son impeccable mise en place, tandis qu'en son mitan avec de subtiles transitions, le premier trio enjoué, presque ludique s'oppose au second plus méditatif (hautbois). L'Adagio est abordé comme une longue et profonde supplication, sans pathos ni mièvrerie recrutant des cordes très lyriques décrivant des horizons infinis, soutenues là encore par la complainte fervente et mélancolique du hautbois, de la flute et de la clarinette. L'Allegro conclusif, le plus beethovénien des quatre mouvements voit se succéder sur une dynamique très rythmique et pleine d'allant les épisodes de lyrisme (cordes) et de dramatisme (cuivres et timbales), avant que la coda ne signe la victoire finale éclatante, mais hélas transitoire, de Florestan sur Eusebius.

La Symphonie n° 4 (en fait la n° 2 si l'on considère la première version) est sans doute la plus célèbre. Elle évolue d'un seul tenant et comporte quatre sections unies par des liens thématiques. Daniele Gatti nous en propose une vision éminemment convaincante et haute en couleurs : après un Allegro tendu évoluant par vagues empreintes d'un prégnant sentiment d'attente où l'on admire la clarté des plans sonores (cuivres, cordes graves), la Romance toute en légèreté s'ouvre sur le hautbois, bientôt relayé par le violon solo de avec de beaux contrechants de basson avant un Scherzo rustique aux appuis rythmiques bien marqués qui font contraste avec un émouvant trio. Le Finale éclatant qui recrute tous les pupitres autour du thème omniprésent scelle dans l'adhésion et la complicité des musiciens du « National » la joie des retrouvailles avec le chef milanais.

Crédit photographique : © Marco Borggreve

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