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Encantado de Lia Rodrigues, de retour en France après une tournée annulée

Créé en 2021 dans le contexte de la crise sanitaire, le spectacle de la chorégraphe brésilienne peut enfin continuer de conquérir le public français et lui communiquer vitalité et optimisme grâce à la sagesse du corps.

Après une tournée initiale annulée en raison des restrictions liées à la pandémie de Covid-19, Encantado est actuellement en France pour une série de dates, notamment grâce à l'association de neuf théâtres mobilisés pour un maintien de la présentation de la pièce. Elle se donnait donc au Parvis, scène nationale de Tarbes avant Montpellier Danse. Ainsi, il est encore temps d'aller à la rencontre de l'œuvre qui a reçu le Prix du meilleur spectacle chorégraphique 2021-2022 du Syndicat de la critique théâtre, musique et danse.

a choisi de construire Encantado selon un crescendo au démarrage très lent, mais rappelons que lenteur n'est pas nécessairement synonyme de longueur ni d'ennui. Musique et danse suivent toutes deux cette même progression : les corps qui d'abord se couvrent, se drapent, plient et enroulent quelques-unes des 140 couvertures qui jonchent le sol finissent par danser et voyager avec énergie à travers tout le plateau, tandis que le silence feutré du début est peu à peu remplacé par une boucle musicale de percussions et de chants traditionnels au volume de plus en plus intense. Le calme des premières minutes force le spectateur à apaiser son esprit pour le rendre davantage disponible à la multiplicité des formes qui viennent s'offrir à lui, tout en accentuant le contraste entre la grande énergie gestuelle qui se dégage à la fin.

Les « encantados » de (entités de la culture afro-indigène brésilienne dont la pièce tire son nom) commencent par s'immiscer nus entre les couvertures étalées au sol à l'instar d'un patchwork géant, pour lentement faire émerger verticalement des silhouettes énigmatiques. La multitude d'étoffes qui sert à la fois de costumes et de décors aux interprètes est très colorée et évoque la flore et la faune avec ses nombreux imprimés léopard, zèbre ou bien décorés de fleurs et de végétaux. La frontière entre les plantes, les animaux et les hommes est brouillée, car tels des êtres surnaturels, les danseurs changent constamment de forme et d'apparence, pour révéler une ribambelle de personnages tantôt abstraits, tantôt figuratifs, mais toujours avec une légère pointe de grotesque.

Il en va de même avec l'espace et le temps. Toutes les créatures qui nous sont données à voir semblent connectées grâce à la matière commune qui les constitue : les couvertures symbolisant l'organique. Ainsi, l'arbre, le tigre, la femme qui attend un enfant, le colon venu asservir les corps, la mannequin en train de défiler ou encore la créature magique sont tous dépeints comme des individualités formant les parties d'un tout qui transcende les considérations personnelles et autocentrées. Le ton n'est pas tant satirique que porté sur l'autodérision positive et bienveillante, dans une volonté de réconcilier l'humanité tout entière en dépit de sa grande complexité. À en croire le public qui se laisse plus ou moins consciemment imprégner par les pulsations de la musique, il semblerait que le défi soit relevé.

Crédit photographique : © Sammi Landweer

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