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Un Jehan Titelouze retrouvé sous les doigts de Léon Berben à l’orgue de Juvigny

Peu à peu, occupe une place remarquée dans la discographie. La présente intégrale des Hymnes de l'église offre une interprétation complètement renouvelée, s'appuyant sur les manières en usage au début du XVIIᵉ siècle, tant pour l'interprétation que pour la manière de registrer les orgues. signe l'un de ses plus beaux albums.

Le premier tiers du XVIIᵉ siècle a vu au sortir de la Renaissance une floraison de livres d'orgue exceptionnels. L'Europe entière de l'orgue s'embrase au fil des pays qui peu à peu différencient le style de leurs instruments jusqu'ici contenus dans une espèce de tronc commun basé essentiellement sur des aptitudes polyphoniques. Chaque pays produit ses recherches tant sur le plan de l'écriture que des orgues. De grands compositeurs ont forgé un répertoire éblouissant : Girolamo Frescobaldi en Italie, Samuel Scheidt en Allemagne, Correa de Arauxo en Espagne, Manuel Coelho au Portugal et Jehan Titelouze en France constituent un pléiade extraordinaire. On pourra avantageusement ajouter Henry Purcell même si trop peu de pièces de lui nous sont parvenues.

Jehan Titelouze, né à Saint-Omer en 1563 est considéré comme le père fondateur de l'école d'orgue française. Il fut chanoine et organiste de la cathédrale de Rouen à partir de 1588 au décès de François Josseline son prédécesseur. Outre ces activités, Titelouze est également poète et expert en facture d'orgue. En 1613 il écrit un poème D'un sourd métal une grande harmonie qui est une éloge de l'orgue. Son activité musicale le rapproche du célèbre théoricien , auteur de l'ouvrage l'Harmonie universelle, une encyclopédie sur la musique. Titelouze compose pour les voix, on lui doit quatre Messes à 4 et 6 voix récemment retrouvées à Paris en 2016 (publiées chez Paraty, Clef ResMusica). Les pièces pour orgue elles sont pour les premières publiées en 1623 et comportent les Hymnes de l'église pour toucher sur l'orgue, avec les fugues et recherches sur leur plain-chant. Le recueil comprend 12 œuvres sur les thèmes les plus utilisés dans la liturgie catholique. Il sont l'objet du présent enregistrement. En 1626, Jehan Titelouze publie un deuxième livre de Magnificat sur les huit tons usuels de l'église, où il s'efforce de simplifier son discours car il lui avait été reproché un aspect trop savant pour les Hymnes.

De nos jours, l'exécution de la musique de Titelouze pose le problème du choix d'un orgue adapté à cette musique. En France, la plupart des orgues contemporains à ces œuvres n'existent plus, soit qu'ils aient été détruits ou soit profondément transformés. Cependant certains instruments ont pu conserver des éléments anciens et la connaissance de la facture du XVIIᵉ siècle a de nos jours beaucoup progressé, ce qui a permis de reconstituer de manière probante plusieurs spécimens. L'orgue de Juvigny, construit en 1663 par Jean de Villers et Jacques Carouge a été restauré dans son esprit d'origine en 1990-94 par . L'organiste et expert disait à son propos qu'il était de fait « l'orgue idéal pour Titelouze ». Il est donc heureux de saluer le choix de pour sa gravure, et le travail remarquable de qui, sur les pas de ses illustres collègues du temps passé, a su retrouver leurs gestes de construction et les sonorités de cet instrument exceptionnel.

L'Harmonie universelle précédemment citée offre une panoplie de registrations pour l'orgue directement applicables à Titelouze, les orgues de l'époque ayant les jeux correspondants pour cela. Grâce à cette palette sonore bien particulière, l'interprète construit ses timbres avec ses contrastes faits d'ombres et de lumières. Les tempi sont généralement retenus, mettant en valeur la savante polyphonie qui se révèle sensuelle et d'une grande subtilité. L'impression générale est bien différente de l'écoute sur un orgue plus tardif comme cela est souvent le cas dans plusieurs enregistrements existants. On perçoit ici l'écriture d'un être supérieur dont exprime la quintessence. Son jeu posé, intérieur et éclairé par des registrations chatoyantes offrent une approche informée où sont réunis l'art du discours, un instrument historique adapté lié à la beauté du son, soutenu par une prise de son précise et équilibrée.

Voici une version différente qui pourra peut-être surprendre par des choix inhabituels, mais qui justement procure par une relecture totale, l'une des plus belles référence dans ce domaine.

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