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Anna Chirescu, jeune chorégraphe française d’aujourd’hui

Quel mot pourrait mieux définir le travail d' que la pluridisciplinarité ? Cette danseuse formée à la technique de au CNDC d'Angers, est passée à la chorégraphie avec notamment (2018) et Vaca (2022). Artiste en résidence à l'Etoile du Nord à Paris, elle y proposera le 18 mars une recréation de Ordeal by water, avec , dans le cadre du festival Immersion Danse.

est attirée par toutes les formes d'art. De l'art plastique au théâtre, en passant par le chant, la curiosité d'esprit fait partie de son ADN et ses pièces et performances se jouent des cloisonnements. Si son parcours de danseuse commence de manière assez traditionnelle, elle s'attache à mener des études exigeantes en parallèle de sa carrière de danseuse.

Elle commence la danse classique à l'âge de 3/4 ans au conservatoire de Montreuil, poursuit au conservatoire à rayonnement régional (CRR) de Paris avant d'intégrer le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP) à 14 ans, en dominante contemporain.
Après le CNSMDP, à l'âge de 18/19 ans, elle travaille avec plusieurs chorégraphes dont Jean-Claude Gallotta, Luc Petton, Daniel Larrieu. Son goût pour les études et sa curiosité intellectuelle la poussent à mener des études de lettres à distance et à intégrer le Master affaires publiques de Sciences po Paris dont elle sort diplômée en 2012. C'est à l'occasion d'un échange étudiant en Californie qu'elle rencontre Yvonne Rainer, figure de la danse post-moderne, qui va marquer son parcours.

A 25 ans, elle intègre le Centre national de danse contemporaine (CNDC) d'Angers dirigé par Robert Swinton, ancien assistant de , qui forme les danseurs à cette technique particulière. Elle reste dans la compagnie pendant 7 ans, jusqu'en 2020. Cette expérience de compagnie est riche et lui permet de se produire lors de plusieurs tournées aux États-Unis, notamment dans le cadre du centenaire Cunningham en 2019.

C'est en 2020, après avoir quitté le CNDC, que l'envie d'évoluer vers la chorégraphie se manifeste. Le déclic a lieu lors d'un festival de performance au Palais de Tokyo où elle rencontre , artiste plasticien avec qui elle crée la compagnie Anna & Grégoire en 2017.

Anna, qui a toujours manifesté un goût pour les arts plastiques (elle aurait aimé faire les beaux-arts), trouve du plaisir à réaliser des performances en lien avec des expositions, à faire dialoguer les œuvres plastiques et le corps. Le duo crée une première pièce en 2018, , dans une esthétique pluridisciplinaire qui mêle danse, performance et théâtre. Anna et Grégoire questionnent le mythe de la performance, le spectaculaire, la recherche de perfection à travers la figure de la gymnaste à laquelle s'oppose la danse post-moderne. Ils interrogent le thème de l'échec, de la chute.

Leur deuxième pièce, Ordeal by water (l'épreuve par l'eau), créée en 2021, poursuit la déconstruction du spectaculaire et de la virtuosité. La pièce fera l'objet d'une re-création le 23 mars 2023 à l'Étoile du Nord dans le cadre du festival Immersion danse. Enfin, Vaca, pièce plus personnelle d', créée en 2022, s'attache à l'aspect banal, non spectaculaire de cet animal si quotidien qu'est la vache.

Le processus de création de ces pièces se fonde sur la complémentarité entre et Anna Chirescu. Anna signe l'écriture chorégraphique, tandis que Grégoire, agrégé d'histoire de l'art, en thèse de philosophie, se focalise davantage sur les aspects théoriques qu'Anna aime explorer également. Leur credo : faire le pont entre culture savante et populaire.

Anna se sait à un moment charnière de sa carrière. Si l'envie de danser comme interprète reste présente, la chorégraphie est amenée à prendre une place croissante dans ses projets.

Les performances et l'improvisation sont un axe qu'elle aime suivre, au fil des commandes. A l'automne 2022, dans le cadre de Nuit Blanche, elle a ainsi réalisé une performance à la péniche Pop (Françoise sur la chanson – Des ronds dans l'eau de Françoise Hardy), dans une logique pluridisciplinaire. Pour les Journées européennes du Patrimoine 2022, elle a participé à l'événement Cunningham au Musée d'art moderne de la Ville de Paris autour des œuvres de la donation Anni et Josef Albers.

En parallèle de commandes contextuelles comme une création amateure autour des Jeux Olympiques, Anna prépare un solo à horizon 2024. Inspirée du karaté, cette pièce questionne la notion de combat mais aussi celle de la transmission car c'est son père, ceinture noire de karaté, qui lui a fait connaître cet art à la technique si précise où la recherche de perfection est essentielle. Le point de départ est une archive vidéo montrant un groupe d'homme sur les bords la mer noire pratiquant des Katas en 1982. Ce solo relie la chorégraphe à son histoire familiale, puisque son père a fui la dictature communiste en Roumanie. Fidèle à son goût pour la pluridisciplinarité, Anna voudrait convoquer les archives vidéos et le chant, sous la forme de chants de protestation ou d'hymne.

La diffusion des spectacles déjà créés est un enjeu majeur pour la chorégraphe. Si le dispositif d'aides à la création est bien rodé, il est très difficile pour les jeunes chorégraphes de faire tourner leurs spectacles. Un spectacle de danse contemporaine ne bénéficie en moyenne que de deux dates et demi. Après deux représentations au Festival de Royaumont en septembre et une date à la Briqueterie CDCN Val de Marne a bénéficié de deux dates supplémentaires dans le cadre de la saison France-Portugal 2022.

Crédits photographiques : Photo 1 : Yang Wang ; Photo 2 : Hugo Gueniffey

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