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Restauration de Notre-Dame de Paris : des expositions pour un chantier

Alors que le chantier colossal de la cathédrale Notre-Dame voit le compte à rebours défiler dans la perspective d’une réouverture en 2024, deux expositions à Paris présentent le travail des bâtisseurs et des restaurateurs.

Réalisées en coproduction avec l’Établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale, ces deux expositions, l’une au Palais de Chaillot, l’autre sous le parvis de Notre-Dame, permettent de prendre la mesure de ce chantier hors normes qui doit permettre à la cathédrale nettoyée et restaurée, de retrouver une clarté et une luminosité qu’on ne lui connaissait pas.

Après l’incendie du 15 avril 2019, 846 millions d’euros de dons ont été récoltés auprès de 340 000 donateurs provenant de 150 pays. L’exposition « Notre-Dame de Paris, des bâtisseurs aux restaurateurs » à la Cité de l’Architecture et du patrimoine revient sur les nombreuses questions soulevées très rapidement en vue de la restauration. À l’identique ou pas ? Avec les matériaux d’origine ou pas ? Quels diagnostics, quel état des lieux, quelles propositions (souvenons-nous de celles pour la flèche, évoquées très vite après le feu). Et bien sûr la sécurisation du monument.

Cette première exposition s’ouvre sur une immense photo saisissante de la nef après le sinistre, encombrée d’éléments de charpente calcinés. Sur la droite, le coq miraculé, retrouvé dans les décombres, trône dans une vitrine. Autres miraculées et « stars » de l’exposition : les seize statues des apôtres et des évangélistes qui ornaient la flèche de Viollet-le-Duc et qui avaient été déposées quelques jours avant l’incendie, le 11 avril 2019. Elles ont fait l’objet d’une restauration qui leur a rendu leur patine mate, couleur bronze, voulue par Viollet-le-Duc. On peut donc les admirer de près, non sans émotion, avant qu’elles repartent dans les hauteurs. Elles devraient être reposées sur la nouvelle flèche (à l’identique) normalement dans le courant de l’année. Le parcours se penche également sur les origines de la cathédrale, fleuron gothique, jusqu’aux restaurations du XIXe siècle consécutives à la prise de conscience patrimoniale grâce, notamment, à Victor Hugo. Charpentes, sculptures, vitraux, tableaux sont passés en revue avec les métiers d’art et les savoirs-faire qui les accompagnent. Des maquettes, gravures, vidéos, éléments de décor illustrent le propos.

Une place est donnée aux « sons de Notre-Dame », comme aux autres catégories d’art et d’artisanat. Le grand orgue, composé de 115 jeux et 7 952 tuyaux, n’a pas été touché par les flammes, ni par l’eau, mais a souffert des poussières dégagées par l’incendie. Déposé pièce par pièce en 2020 (sauf les tuyaux de façade et le buffet), il a nécessité l’intervention de onze facteurs d’orgue pour un nettoyage qui a démarré à l’automne 2021. Il devrait être remonté début 2024 pour être harmonisé, une opération qui prendra six mois et se déroulera la nuit. Des tuyaux d’origine sont exposés en vitrine (chamades, bombarde 32) afin de montrer leur diversité et présenter leur sonorité.

Installée dans l’ancien parking sous le parvis de la cathédrale, la seconde exposition « Notre-Dame du Paris, au cœur du chantier » se veut une maison du chantier et des métiers. Son but : faire comprendre les travaux de restauration, mettre en valeur autant les savoirs-faire ancestraux que les techniques contemporaines et par là même les métiers afin de susciter des vocations. Cette exposition gratuite et sans réservation accueillera en effet une bonne part de scolaires, collégiens et lycéens, en quête d’orientation. Car le besoin d’apprentis est important et quel meilleur exemple qu’un chantier faisant intervenir tant d’hommes et de femmes aux compétences si pointues et au sein d’une logistique et d’une organisation collective de cette ampleur ? Une très belle maquette de Notre-Dame permet au début d’appréhender la complexité de l’entreprise. Un film sur le chantier est projeté à côté. La scénographie agréable fait naviguer au sein de structures en bois ouvragées évoquant des ogives, et prend souvent appui sur des images animées explicatives et ludiques. Huit ilots thématiques font découvrir les étapes de restauration en présentant un vestige de la cathédrale (très belle tête d’ange polychrome du XIXe siècle, intacte après une chute de 33 mètres !), un artefact, une animation pédagogique avec une interview faisant découvrir le métier correspondant. Car ici les personnes sont au centre. Peintres, tailleurs de pierre, charpentiers, et aussi cordistes, grutiers, coordinateurs… une fresque des métiers permet à la fin de visualiser la façon dont les différents intervenants du chantier travaillent ensemble.

L’îlot « Faire résonner l’orgue et les cloches » présente les métiers de facteur d’orgue et de campaniste. Sont exposés quelques tuyaux du grand orgue, un mannequin d’orgue, avec un schéma et des explications sur les composantes de l’instrument et son fonctionnement. Trois ateliers du sud de la France sont chargés de la restauration du grand orgue. La manufacture Quoirin dans le Vaucluse travaille sur la mécanique et l’électronique, Bertrand Cattiaux en Corrèze s’occupe des tuyaux tandis que dans l’Hérault la manufacture La Languedocienne prend en charge les sommiers et autres éléments en bois. Le métier est présenté par une interview vidéo de Charles-Emmanuel Sarelot, lui-même fils de facteur d’orgues. Il y évoque son métier fait de patience et de persévérance, présente l’apprenti travaillant actuellement à la Languedocienne et l’on peut voir quelques courts passage du travail sur les sommiers (mise à nu, étanchéité). Malheureusement, comme dans l’autre exposition, le sort de l’orgue de chœur, endommagé également, n’est pas du tout évoqué. On rappelle que l’instrument n’a pas été touché par les flammes mais par l’eau provenant des lances d’incendie, qui a de surcroit stagné à l’intérieur avant qu’il ne soit possible d’accéder aux lieux. De ce fait, les éléments en bois ont été rendus inutilisables, tout comme les transmissions électriques, contrairement à la tuyauterie en métal et au buffet dessiné par Violet le Duc qui sont récupérables. Les modalités de restauration de cet orgue, remanié en 1969 par le facteur Robert Boisseau, ne sont semble-t-il pas encore fixées.

On peut regretter également qu’aucune des deux expositions ne revienne au début sur l’opération des pompiers de Paris, qui ont réussi à sauver l’essentiel du bâtiment, notamment les deux tours.

En somme, deux expositions complémentaires qui permettent de prendre la mesure de ce chantier phénoménal et de constater que les savoirs-faire sont toujours bien là et que ces métiers d’artisanat d’art doivent être encouragés et valorisés.

Crédits photographiques : © ResMusica

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