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Intégrale de référence des quatuors de Weinberg par le Quatuor Silésien

Le signe la première intégrale polonaise des Quatuors de Weinberg, la seconde réalisée à date, et c'est une référence. 

Ce coffret de l'intégrale des quatuors de par le , fondé en 1978, est l'aboutissement d'un long travail de redécouverte et de réappropriation de ce compositeur par ses compatriotes polonais. Car ici, et pour la première fois, tout est polonais, des interprètes – bien sûr – à la fabrication de l'élégant coffret, les livrets soignés et documentés (en anglais et polonais) sur papier glacé épais, jusqu'à la conception graphique. Le projet a été mené avec le soutien du Ministère de la Culture, et cet appui est loin d'être anecdotique. Comme le livret l'indique dans le premier volume paru, n'a été réellement redécouvert et progressivement réintégré par les Polonais eux-mêmes au cercle de leurs grands musiciens qu'à partir du début du XXIᵉ siècle. Ce long oubli explique pourquoi on écrit usuellement Weinberg, qui est la translitération en allemand de son nom depuis l'alphabet cyrillique, son nom polonais étant… Wajnberg, employé ici pour bien réaffirmer cette appartenance à la culture polonaise. Où l'on voit ici que culture, histoire et politique se mêlent, hier comme aujourd'hui. Et au vu de l'intensification des tensions géopolitiques en cette décennie, la vie et l'œuvre de Weinberg/Wajnberg, entre Est et Ouest, Pologne et Russie, culture juive et chrétienne, n'ont pas fini d'attirer l'attention du monde musical et de nourrir notre imaginaire sensible et mémoriel.

Ces considérations mises à part, qu'en est-il de la qualité artistique de cette intégrale ? Elle est remarquable et ce coffret s'impose comme la nouvelle référence, devant celle des Danel. Sur le plan artistique, les Silésiens et les Danel sont au même – très haut – niveau d'engagement et de respect pour le compositeur, donc ce n'est pas là qu'il faut établir de prééminences. Pas de hiérarchie entre ces grands artistes, mais il y a toutefois une différence palpable entre leurs interprétations : les Danel formés à la meilleur école russe du Quatuor Borodine sont plus austères, plus « à l'os » et « canal historique », proches des enregistrements réalisés du vivant du compositeur notamment par les Borodine eux-mêmes, tandis que les Silésiens ont plus de chaleur et de relief, bien aidés par une prise de son nettement plus flatteuse et immédiate. De ce fait, pour entrer dans les Quatuors de Weinberg, les Silésiens nous paraissent sensiblement préférables. Ils ont aussi l'avantage d'être plus complets, avec la cantate Les trois palmiers (chez Accord également) et l'important Quintette, dans lequel les Silésiens et Piotr Sałajczyk font jeu égal avec les Borodine et le compositeur au piano, grâce à un jeu plus charnu et coloré.

Il est naturel et heureux que, avec le temps, les nouvelles générations enrichissent l'interprétation de l'œuvre d'un compositeur, même lorsque celui-ci a pu bénéficier de son vivant de l'apport d'artistes de génie. Si la musique est profonde et originale – ce qui est indiscutablement le cas pour Weinberg – elle ne peut être appréhendée par les musiciens de son temps dans toute sa richesse, le recul du temps lui est nécessaire. C'est ce que démontre les Silésiens dans leur superbe intégrale.

L'intégrale par le Quatuor Danel chez CPO : 

Accomplissement de l'intégrale Weinberg par les Danel

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