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Electric Fields, spectacle immersif envoûtant au Festival de Pâques

Pour la 10e édition du Festival de Pâques, le Grand Théâtre de Provence proposait Electric Fields, la nouvelle création du compositeur en collaboration avec les pianistes Katia et et la soprano . Une expérience immersive de 70 minutes à travers le temps.

Sur un plateau peu éclairé, les quatre interprètes sont baignés de lumière tandis que la salle est plongée dans une obscurité presque totale. Cela renforce l'atmosphère quasi méditative instaurée par un répertoire à dimension religieuse. Si le spectacle présenté à Aix-en-Provence (une première française après Los Angeles en novembre dernier et juste avant Hambourg) n'a pas pu être repris pour des raisons techniques avec le dispositif vidéo de Netia Jones, il n'en reste pas moins un projet musical singulier avec une mise en lumière imaginée pour le festival par Pascal Mérat.

Organisé en différents chapitres, séparés par des intermèdes intitulés « research », le spectacle traverse les siècles, bouscule les époques, reliant la musique écrite par , personnage mystique et visionnaire du XIIe siècle aux compositions de l'époque baroque de et Franscesca Caccini. Toutes réinventées par et , compositeur et guitariste du groupe The National.

Les différents volets font ainsi dialoguer les oppositions notamment la lumière et l'obscurité ou bien le fini et l'infini, et exploitent les changements de texture pour mieux creuser la matière. On retrouve des effets de miroir comme par exemple des échos que ce soit entre les deux pianos mais aussi entre la console électronique et les parties vocales qui sont le fil conducteur des débats. La ligne mélodique est jouée puis recréée en direct par « la machine » de à l'image d'une boucle qui n'aurait pas de fin. Certains procédés rappellent les codes du drone, avec l'utilisation de tons graves ou stridents, de textures éraillées et de dissonances, dans une approche minimaliste. La Drone Music est le fruit d'un courant alternatif issu du milieu artistique New-Yorkais des années 60. Avant la musique enregistrée, les musiques traditionnelles d'Inde du Sud et du Nord, les chants traditionnels byzantins et vraisemblablement des chants pré-polyphoniques d'Europe médiévale utilisaient déjà le bourdon (drone en anglais). Cette technique qui consiste à faire vibrer une ou plusieurs cordes toujours sur la même note ou en usant d'un accord continu.

Certains titres nous placent dans un espace sonore réinventé parfois éthéré et déstabilisent l'auditeur jusqu'à lui faire perdre ses repères. Mais l'ensemble fonctionne avec fluidité car à travers ce travail captivant du son, tous nos sens sont touchés. L'imaginaire est en permanence sollicité grâce aux possibilités techniques et expressives des interprètes. Et celles-ci semblent illimitées. La symbiose des sœurs Labèque est toujours fascinante. Leur jeu, parfois martelé dans les passages de caractère plus minimaliste, n'est jamais figé. Il insuffle une fraîcheur proche de l'improvisation et l'expression résonne souvent avec une grande modernité. A noter un bel équilibre dans les dynamiques dont des cascades de traits cristallines. Quant à , elle occupe une place centrale dans la plupart des pièces, avec son aisance vocale et une flexibilité de premier plan. Ses interventions mettent en lumière un naturel dans tous les registres. Le fait de chanter avec un micro fait ressortir tout l'aspect émotionnel de son timbre avec davantage de vulnérabilité dans les nuances extrêmes. Ses envolées lumineuses et la pureté de son vibrato apportent ce supplément d'âme, cette touche mystique qui fait écho avec les éléments cosmiques présents dans ces musiques.

Crédits photographiques : © Festival de Pâques d'Aix-en-Provence

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