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Michael Spyres, ténor assoluto

Dans un programme riche et éclectique, se livre à une nouvelle démonstration de virtuosité et de versatilité. Un récital qui fera date, et qu'on rangera à côté des plus grandes réussites récentes de tous nos contreténors préférés.

Est-il ténor, baryton, baryténor, haute-contre, Heldentenor, maintenant contra-ténor ? se pose décidément beaucoup de questions, pour le plus grand bonheur de ses auditeurs qui n'auront aucun mal à se faire leur propre avis. Si l'album intitulé Baritenor avait moyennement convaincu, cet album consacré aux grands airs baroques devrait, lui, rallier tous les suffrages. Le choix du programme, tout d'abord, qui de Lully à Mozart couvre l'exploration de la tessiture de ténor sur toute la période baroque, devrait satisfaire tous les amateurs de musique ancienne. Un air par compositeur, de quoi ravir les admirateurs de musique italienne comme de musique française. Le projet de est visiblement de convaincre qu'à côté de la voix de castrat, le ténor baroque avait lui aussi son mot à dire, même s'il est vrai que la tessiture de cette voix n'était pas aussi nettement définie qu'elle l'est devenue plus tard au XIXᵉ siècle. Le haute-contre à la française de Lully et de Rameau, convenons-en, a peu à voir avec le ténor barytonnant de Haendel, illustré ici par le Bajazet de Tamerlano. Ce personnage évolue en effet dans une tessiture relativement grave qui a permis encore récemment à Plácido Domingo, ténor alors redevenu baryton, de se tailler un beau succès dans le rôle.

Dans les deux types de tessiture, Michael Spyres se montre souverain, même si l'on se permettra de préférer ses couleurs vocales dans le haut-médium de la voix. Son extension dans le grave, si elle commande le respect, n'a pas la même qualité de timbre que la partie plus élevée de l'instrument. On n'en apprécie pas moins les variations dans les notes basses de certains airs, dont le « Se il moi paterno amore » du Siroe, re di Persia, enregistré en première mondiale. Dans toutes les plages réunies sur cet album, lesquelles feront entendre quelques tubes du baroque et du classicisme naissant comme des nouveautés absolues, Spyres se montre un technicien hors pair. La voix est homogène sur tous les registres, des extrêmes graves aux extrêmes aiguës, et enjambe les intervalles les plus folles sans la moindre difficulté. Elle offre tout au long du programme, et sans le moindre effort, trilles, mordants et vocalises, s'autorisant des incartades autant dans le suraigu que dans les tréfonds du registre de basse. Le spectaculaire « Tu m'involasti un regno » extrait de l'Antigono de Mazzoni fait entendre une vocalise sur rien moins que trois octaves. Cerise sur le gâteau, Spyres sait également dire un texte et son interprétation de « J'ai perdu mon Eurydice », dans un excellent français, est une des plus émouvantes qu'on ait pu entendre ces dernières années.

Un tour de force vocal, donc, qui rappelle que virtuosité technique et expressivité ne sont en rien incompatibles. On aura rarement été autant convaincu par un récital d'airs baroques, autant pour la variété des airs sélectionnés que par la maîtrise de la technique vocale et par celle de l'art de la diction et de l'interprétation. Il Pomo d'oro, dirigé ici par , est un ensemble instrumental aujourd'hui bien connu. Tout comme le soliste, il montre sa parfaite adéquation aux différents styles représentés sur ce programme à l'éclectisme rare pour un enregistrement estampillé « baroque ». Sa contribution au succès de l'entreprise se doit d'être dûment signalée.

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