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Airs de cour sous Louis XIV : du bleu à l’âme avec Deborah Cachet

La soprano Deborah Cachet et la luthiste unissent leurs sensibilités pour nous proposer un programme d'airs de cour qui nous transporte dans l'intimité des salons parisiens à l'époque de Louis XIV.

La Chambre Bleue : peut-être une référence au Salon Bleu de la marquise de Rambouillet, où les beaux esprits du temps font assaut de poésie galante. La chambre, lieu intime par excellence, où le poète prend son luth pour charmer une assemblée choisie, sous l'égide de quelques Précieuses. A la ville comme à la cour, la mode est à l'air de cour, qui allie poésie et musique, illustrant le raffinement des salons aristocratiques. La plupart des compositeurs du dix-septième siècle s'y essayent; sous le règne de Louis XIV, (le beau-père de Lully) en fut le maître, avec plus de trois cents airs de cour à son actif. Les passions amoureuses y sont évoquées par touches délicates, dans un langage élégant, loin des exubérances italiennes.

La voix ample et expressive de la soprano belge Deborah Cachet, accompagnée au théorbe par sa compatriote , met sa belle déclamation au service du texte de ces miniatures raffinées. Il s'agit ici du premier enregistrement en solo de la jeune soprano que l'on a entendue ces dernières années avec les meilleurs ensembles baroques d'Europe. Trois compositeurs sont à l'honneur : , Sébastien Le Camus et . Du premier, la célèbre plainte « Ombre de mon amant » est un sommet d'émotion contenue, avec son saut de quarte descendante sur « Hélas » et ses chromatismes expressifs. Le long port-de-voix final sur « Je meurs » est un modèle du genre. Le deuxième nous entraîne dans la description des tourments amoureux sur fond d'inspiration pastorale. Mais c'est chez Charpentier que la mélancolie est la plus poignante, par l'usage des chromatismes empruntés à l'Italie. Son air « Tristes déserts » aurait toute sa place parmi les grandes déplorations des tragédies lyriques. La voix si expressive de Deborah Cachet y fait merveille, même si l'on regrette un peu dans l'ensemble le parti-pris de sobriété de l'ornementation. Comme il se doit, ces airs sont émaillés de pièces instrumentales jouées au théorbe. C'est à , le maître de guitare du roi, que emprunte ces intermèdes, joués avec une très belle sensibilité; la grande Passacaille en ré mineur est un magnifique exemple de ce que l'esprit français fait d'une danse de cour. Tout en délicatesse, les deux musiciennes réinventent dans cet enregistrement le « blues » du dix-septième siècle.

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