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Ballaké Sissoko crée le Concerto pour kora de Zad Moultaka

Les pratiques se croisent et les cultures s'interpénètrent dans ce concert à l'Auditorium de Radio France où l' rencontre le joueur de kora et le compositeur .

Donné en création mondiale sous la direction du chef , le Concerto pour kora de est une commande de Radio France. Ce n'est pas la première fois que l'Auditorium de la Maison ronde accueille le musicien malien ; il était en duo avec le violoncelliste Vincent Segal en 2020. Pour ce musicien de l'oralité, habitué à l'improvisation, l'aventure se poursuit ce soir avec le Philhar' et une partition devant lui. « On a inventé un système de notation avec des couleurs », précise qui est sur scène, à côté de lui, pour l'épauler dans les changements d'accords de son instrument qui interviennent, nous dit-il, toutes les quinze secondes !

La kora, d'origine malienne, est un instrument à cordes pincées (vingt-et-une cordes tendues verticalement) placé devant le musicien et joué avec le pouce et l'index des deux mains. Très concentré, fait sonner son instrument dans une introduction lente quasi soliste ; notes éparses et registres contrastés, sans doute l'esquisse des modes inventés pour ce concerto par un compositeur qui ne craint pas d'intégrer des éléments de différentes cultures pour les modeler à son désir : déflagrations des tambours, inflexions de musique arabe et percussions métalliques s'entendent en alternance avec la kora dont les sonorités claires et délicates contrastent avec un orchestre plutôt musclé et des cuivres offensifs. Des passages plus répétitifs et des motifs mis en boucles sur les notes du mode calment le jeu avant que les échanges ne reprennent : brillance du soliste et complexité rythmique de l'écriture soulignée par les accents irréguliers des vents. L'alliage des cordes pincées avec les percussions métalliques est une belle trouvaille sonore. La cadence est courte autant que lumineuse (une kora presque mandoline sous les doigts de Sissoko !) et le geste conclusif de l'orchestre sans appel.

Ballaké Sissoko revient en solo pour deux courtes improvisations, une pratique qu'il développe sur son instrument depuis l'âge de douze ans. Si l'univers modal/tonal est plus sage, le jeu se fait plus aventureux, dans la manière de présenter et d'enrichir les lignes mélodiques où le chant affleure toujours. L'instrument sonne dans tous ses registres, Sissoko diversifiant librement sa palette de timbres tout en tissant une savante polyphonie.

Le concert sans entracte se termine avec Shaker Loops (« boucles secouées ») pour orchestre à cordes de , une pièce ancienne (1978, révisée en 1982) de l'Américain dont on entendait il y a quelques semaines à l'Opéra Bastille Nixon in China. Minimale et répétitive, l'écriture fonctionne ici par superposition de boucles (brefs motifs tournants) qui crée l'animation et apporte la complexité rythmique sur la base d'une pulsation constamment maintenue par l'un ou l'autre des pupitres. Apparaissent en surimpression aux cordes graves des sons continus qui ressortent d'autant. Les boucles se meuvent dans la lenteur, dans un deuxième mouvement où la pulsation s'estompe au profit de lignes courbes et de sons vibrés. Le troisième mouvement est une synthèse de toutes les composantes déjà entendues. L'invention n'est pas toujours soutenue, l'attention de l'auditeur non plus mais la concentration des musiciens et celle du chef sont exemplaires !

Crédits photographiques : © ResMusica

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