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Un Monteverdi aux semelles de plomb par Christopher Rüping à Munich

Quand la nouvelle star du théâtre allemand aborde pour la première fois la scène lyrique, l'humilité n'est pas au programme.

est depuis ses débuts il y a une bonne décennie la coqueluche du théâtre allemand ; à Munich, il a été pendant quelques années metteur en scène en résidence aux Kammerspiele, où il a notamment réalisé le monumental Dionysos Stadt, dix heures de tragédie antique, à vrai dire plus impressionnant que profond. Pour son premier contact avec l'opéra, il en reste au mythe antique, celui d'Ulysse qu'il combine à L'année de la pensée magique de Joan Didion. Le rapprochement paraît naturel : Didion raconte la mort soudaine de son mari au cours d'un repas, Pénélope lutte contre une autre forme d'absence.

Mais qu'en fait Rüping ? Le spectacle commence par le récit de la mort du mari de Joan Didion – récit, car il ne s'agit ici jamais de représentation. Les deux actrices disent le texte de Didion avec émotion, le performer Damian Rebgetz beaucoup moins ; ensuite, c'est au tour de Monteverdi, avec un résumé express, en moins d'une heure, du début de l'opéra jusqu'à la scène où les prétendants tentent de bander l'arc d'Ulysse. Pas de Neptune, pas d'Iro, pas de Phéaciens, pas de nourrice : on ne comprendra à aucun moment ce qui intéresse Rüping dans l'opéra de Monteverdi au-delà du thème de l'absence, pas plus qu'on ne pourra y distinguer une vision personnelle dans sa réalisation scénique. Pour lui, l'opéra se résume visiblement à une sorte de faste désuet : il marque donc le passage d'un genre à l'autre par la descente en masse d'éléments de décors latéraux entre baroque et pop, comme si l'opéra n'était qu'affaire de décor. Tous les débutants de la scène lyrique n'ont heureusement pas une aussi faible sensibilité à la musique que lui.


Au beau milieu de la scène de l'épreuve, Damian Rebgetz instaure le retour à Didion en interrompant Pénélope : « He's dead! ». Il faudra attendre encore trois quarts d'heure pour revenir à la fin vite expédiée de l'opéra : c'est d'autant plus interminable que le montage des textes de Didion reste terriblement anecdotique. Ce spectacle indigent, sans poésie et sans émotion, est à la fois après Hanjo le second spectacle du festival Ja Mai consacré par l'Opéra de Bavière aux expressions contemporaines du théâtre musical et le spectacle annuel du studio lyrique de l'Opéra, que nous avons déjà souvent commenté (avec Haydn en 2022, une soirée russe en 2019, deux courts opéras politiques en 2018…). Cette fois, les jeunes chanteurs sont décidément au second plan, derrière leurs deux aînés dans les rôles principaux de l'opéra de Monteverdi, et surtout derrière les éléments superficiels par lesquels Rüping croit animer la soirée. Il semble ne s'intéresser qu'à , qui cumule les rôles de Melanto et Minerve, qu'il soumet à une suractivité un peu lassante, entre scène et salle. Le manque de vie scénique plombe pour le reste l'interprétation musicale, notamment avec les deux protagonistes et surtout , qui échoue constamment à faire vivre son personnage ; la direction sans vie de achève de réduire la soirée à un exercice vain et vieillot de théâtre musical expérimental.

Crédits photographiques : © Wilfried Hösl

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