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Le voyage immobile de Johann Sebastian Bach

Les influences italiennes sont nombreuses dans la musique de J.S. Bach. Trois cantates pour soprano et contre-ténor nous en donnent ici l'illustration, servies par l'ensemble breton Ma non troppo du violoniste Louis Creac'h.

On le sait, le Cantor de Leipzig n'a jamais quitté son Allemagne natale. Mais il a connu la musique italienne (comme la française) par la rencontre avec les nombreux compositeurs étrangers qui parcouraient l'Europe, ainsi que par les copies de partitions qui circulaient à l'époque. Ainsi, c'est par une copie arrivée à Dresde que le vieux Bach découvre le déjà célèbre Stabat Mater de Pergolèse dans les années 1740. Cette œuvre fameuse aura connu de très nombreux arrangements tout au long du XVIIIᵉ, livret, ajouts de chœurs et orchestrations de toutes sortes. Ici, Bach en fait une version allemande du psaume 51, Miserere mei Deus, et transforme l'œuvre mariale catholique en un motet luthérien. La partie d'alto est partiellement réécrite pour réaliser un contrepoint subtil, et des bariolages sont dédiés aux violons et au violoncelle. Des codas inédites sont aussi ajoutées en plusieurs endroits; ainsi, l'Amen final du BWV 1083 est suivi d'une modulation qui rend cette conclusion encore plus italienne que l'original.

La première cantate, en langue italienne, est d'attribution douteuse. Elle fait la part belle au traverso, qui dialogue à égalité avec la voix de la soprano. La jeune confirme ici son talent protéiforme (voir l'entretien donné à Resmusica en 2022). La flûte de n'est pas en reste, dans une sinfonia initiale où elle tient le premier rôle. En symétrie, la cantate BWV 54 pour alto solo qui conclut le programme met en avant la voix du contre-ténor . Cette cantate de jeunesse, composée à Weimar, nous fait entendre une écriture riche en dissonances et en tension, sur un texte qui nous parle de Satan et de « l'ombre du tombeau ». On aurait souhaité que la voix soit à l'unisson de ces sombres passions pour évoquer avec plus de noirceur les « plus infâmes péchés »; l'interprétation en paraît un peu trop lisse. Quant au grand motet central sur le texte allemand du Miserere, l'équilibre entre les deux voix est irréprochable. L'aspiration au salut et le combat contre le péché transforment l'œuvre de Pergolèse en une cantate luthérienne très convaincante.

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