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Olga Peretyatko en récital à Strasbourg

Dans le cadre de son mini festival « Ars Mondo » slave, l'Opéra du Rhin invite la soprano pour un récital d'œuvres russes, polonaises, tchèques et ukrainiennes.

Ce sont d'abord des Tchaïkovski qui ouvrent le programme, avec Dans le vacarme du balLe coucou, BerceuseN'étais-je pas un brin d'herbe, et la belle de Saint-Petersbourg s'impose d'emblée comme une grande interprète de la mélodie russe. La voix est longue, charnue, souple avec un art de la nuance consommé. Même pour les non-russophones, il est évident que son articulation est transparente, et que les textes sont rendus dans toute l'intensité de leur poésie. arrive à instiller une nostalgie pathétique, dans un style parfaitement châtié, ce qui la positionne sans conteste dans la haute succession de Galina Vichnevskaïa. Les Rimski-Korsakoff, notamment Le Rossignol, lui permettent de mettre en valeur une longueur de souffle presque infinie. Les Dvořák continuent de charmer, avec un air de Rusalka plein de tendresse et de scintillement lunaire.

L'accompagnement de est admirable de vigueur comme de délicatesse. Dans la Mazurka n°4 de Chopin, il parvient lui aussi à créer de la nostalgie au-delà de la danse, et son Nocturne n° 20 s'épanouit dans une rêverie digne et mesurée.

L'essentiel du programme est centré sur Rachmaninov, avec pas moins de dix pièces. Je ne suis pas prophète, Lilas, Ici, il fait bon, Christ est ressuscité continuent sur la lancée des Tchaïkovski, avec ce pathos intrinsèque au timbre de la soprano, et cet art de diseuse qui fait comprendre le sens du texte et dispense de se raccrocher au surlignage. Le sommet de cette expressivité par la voix en elle-même est atteint avec la célèbre Vocalise, où sans la moindre syllabe, nous raconte une merveilleuse histoire d'amour, de souffrance et de mort. Le programme, décidément généreux, se poursuit avec Marguerites, Je t'attends, Rêve, Ne chante pas ma beauté (et avec quelles nuances subtiles…) et Eau de source, dans laquelle il demeure décidément impossible de boire une joie qui soit pure.

Tout cela est parfaitement authentique, irréprochable, mais avouons-le, un peu trop stylé, un peu trop sage. Là où l'inoubliable Galina Vichnevskaïa sortait ses tripes et retournait les nôtres, Olga Peretyatko reste quelque peu corsetée, charmante et souriante dans sa robe vaporeuse. Même les compositeurs du XXᵉ siècle choisis pour cette soirée semblent s'échapper d'une peinture académique du XIXᵉ. Leurs mélodies n'en sont pas moins belles : Mon âme s'épanche de Mykhailo Zerbin ponctué par un cri magnifique, et superbe Nage, joyeuse fleur de mauve de Heorhiy Maiboroda, tous deux ukrainiens.

Le public, impressionné, réclame des bis et obtient quelques morceaux de bravoure. La Villanelle d'Eva del'Acqua pose la question de savoir si Olga Peretyatko est encore un soprano colorature. La valse de Juliette apporte la réponse : quelle magnifique soprano lyrique elle est devenue !

Crédit photographique: © Daniil Rabovsky

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