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À Royaumont, avec la violoncelliste Marie Ythier

Artiste en résidence à la , la violoncelliste et fougueuse est en vedette à l'Abbaye dans un concert où deux œuvres en création, parmi les quatre au programme, ont été écrites pour elle.

Deux phalanges, deux chefs, deux violoncelles solistes, deux créations… tout va de pair dans le concert du soir de cette cinquième journée du festival de Royaumont… jusqu'au titre de la première pièce au programme. Du jeune trentenaire , De l'un, l'autre, pour violoncelle et ensemble, donnée en création mondiale, place à la gauche de la soliste , un deuxième violoncelle complice. La temporalité fluctuante et les relances successives de l'ensemble – l'excellent Sillages dirigé par son chef – dessinent la dramaturgie au sein d'une écriture qui tend vers la fusion des timbres et le flux d'une matière qui se transforme. On note la présence agissante de la percussion en dialogue avec le violoncelle solo auquel Braud ménage de belles plages solistes. Dans une partition où le lyrisme affleure, l'archet de reste souverain.

Le compositeur italien est un contemplatif dont l'imaginaire se nourrit d'impressions visuelles et de réminiscences. Ses Fotographie rarissime di angeli pour violoncelle solo sont autant d'images et de gestes sonores contrastés, de l'immobile à l'instable, de la caresse à la violence, de la plénitude aux sons filtrés. Marie Ithier en restitue toutes les nuances, impressionnante dans la Passacaille finale dévoilant un spectre sonore toujours plus étiré sur une basse obstinément creusée.

En seconde partie de concert, les cordes de l' dirigé par son chef sont divisées en deux sous-ensembles identiques, avec la contrebasse en leur centre, pour l'exécution de Ramifications (1968) de . Dans l'idée de brouiller les hauteurs au profit du timbre, les deux parties sont accordées à des diapasons différents, décalés d'un peu plus d'un quart de ton. Tel un doux grésillement d'insectes, la texture polyrythmique évolue, s'effiloche et se reforme aussitôt dans des dynamiques qui ne franchissent guère le pianissimo, excepté quelques fulgurances ff aussitôt effacées : une musique de l'infime et du fugitif finement conduite par le maestro Zehetmair.

L'Orchestre d'Auvergne était présent lors de la première mondiale, au Printemps des arts de Monaco 2022, de L'ombre d'un doute, une pièce pour deux violoncelles et ensemble à cordes de . C'est qui est au côté de Marie Ythier, remplaçant ce soir Éric-Maria Couturier. Mieux encore qu'à la création, se révèle la dimension du fantastique dans une pièce balançant entre lumière et ténèbres : la glissade des deux solistes dans une introduction qui donne le ton et les sonorités inouïes des cordes en harmoniques de l'orchestre ne sauraient nous démentir, Selon la logique du rêve, un univers personnel et inclassable se découvre, traversé de fulgurances, de mouvements mécaniques qui fonctionnent en boucle, de scansions diaboliques et de trajectoires vertigineuses entretenues par le geste farouche des deux solistes au cœur de la tourmente. L'écriture sensiblement remaniée depuis la création en cisèle d'autant le geste éruptif et la plasticité des contours.

L'enregistrement live des trois pièces pour violoncelle(s) fera l'objet d'une gravure CD au terme de la résidence d'artiste de Marie Ythier.

 

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