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La Dame de Pique montre son jeu à Valence

Reprise au Palau Les Arts Reina Sofía, la production de La Dame de Pique de Richard Jones apparue en 2000 à Oxford est servie aujourd’hui par une nouvelle distribution, dans laquelle se retrouve le Hermann d’Arsen Soghomonyan, sous la direction très symphonique du directeur musical James Gaffigan.


Dans la futuriste salle du Palau Les Arts Reina Sofía réalisée par l’architecte natif de Valence, Santiago Calatrava Valls, La Dame de Pique de Tchaïkovski apparaît grâce à la production de Richard Jones créée au Welsh National Opéra, puis revue depuis à Houston, Bologne, Toronto ou Oslo. Mise en valeur par la scénographie de John Macfarlane et les lumières de Jennifer Tipton, retravaillée pour cette reprise par Trui Malten, l’action profite aujourd’hui surtout des toiles bleutées de fond de scène comme au Premier Tableau, pour se voir sinon placée dans une chambre mansardée encore utilisée à la scène finale, avec au milieu une imposante table de jeu.

Basée sur plusieurs concepts, dont l’homosexualité d’Hermann et son attirance pour son ami Tchekalinski, la lecture de Richard Jones s’est totalement aseptisée après vingt-trois ans, d’autant qu’il n’était pas présent pour retravailler ces séries espagnoles, laissées en répétition à Benjamin Davis. Alors, plutôt que de tenter de comprendre pourquoi Tchekalinski est présent à la dernière image à côté d’Hermann mourant, on profite surtout maintenant du traitement très réussi de la Pastorale grâce à ses marionnettes, ou du plus discutable énorme squelette placé dans le lit d’Hermann vu d’en haut au Cinquième Tableau, puis à la fenêtre dans la scène finale pour conclure le drame.

Dans la fosse – la deuxième plus grande du monde après Bastille -, le directeur des lieux James Gaffigan officie dans un style très symphonique, par lequel il insuffle de grandes respirations à l’acte I, au risque de perdre parfois la tension dramatique de certaines scènes lors des actes suivants, notamment au final. Dès que la partition ressemble à celles des grandes symphonies de Tchaïkovski, l’Orquestra de la Comunitat Valenciana y fait ressortir ses plus belles sonorités, portées par des cordes amples et chaudes ainsi que des cuivres rarement pris en défaut, à côté de bois parfaitement animés. Plutôt clair dans sa gestuelle envers le Cor de la Generalitat Valenciana préparé par Luis Garrido, chœur d’une belle énergie et d’un large volume dans ses apparitions, le chef américain est aussi précis dans sa battue pour accompagner les ardents enfants dans le Parc au Premier Tableau.

Sur le plateau, on retrouve la Comtesse et le Hermann entendus l’an passé à Baden-Baden sous la direction de Kirill Petrenko, associés à des chanteurs majoritairement Russes ou Espagnols. Habituée au rôle, Doris Soffel se démarque du premier ensemble par son timbre, pour captiver dans son air en français tiré de Grétry : débuté rapidement comme pour évacuer la nostalgie de l’histoire qu’elle est en train de raconter, il est achevé très lentement dans une quasi déploration de la situation présente. Assassin par défaut en voulant tirer le secret des trois cartes, Hermann revient à Arsen Soghomonyan, ténor arménien de plus en plus présent sur les grandes scènes du monde pour les rôles les plus tendus, d’Otello à Calaf. Jamais pris en difficulté par sa partie, il livre ses airs avec assurance et donne le dernier dans la version initiale écrite par le compositeur, en montant jusqu’au si naturel au moment de sa mort.

La Lisa d’Elena Guseva parvient à plus de sensibilité dans son duo avec Pauline ou à l’arioso juste avant son suicide que pendant sa Romance de l’acte I. Non seulement sa confidente, mais aussi Milovzor pendant la pantomime, Elena Maximova lui donne la réplique d’un timbre de mezzo placé relativement haut, là où la Gouvernante de Luzia Tietze en impose plus par le bas du spectre. Andrei Kymach en Tomsky expose avec une belle projection sa Ballade pour expliquer le secret des trois cartes de la comtesse, tandis que Vasily Efimov dynamise les scènes de Tchekalinski sans toujours comprendre exactement ce qu’il est censé faire, donc en jouant son rôle assez classiquement pour le porter surtout par son feu vocal. Du reste de la distribution ressortent encore le Sourine d’Alejandro Baliñas ou la douce Masha de Laura Fleur, dont les couleurs comme celles de l’orchestre sont décuplées par la clarté de la salle en forme de vaisseau du Palau Les Arts.

Crédits photographiques : © Miguel Lorenzo/Mikel Ponce -Les Arts

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