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L’œuvre pour violoncelle et piano de Gabriel Fauré : premier duo entre Xavier Phillips et Cédric Tiberghien

Une première rencontre artistique mérite que l'on s'y arrête : et quand le violoncelle de l'un et le piano de l'autre ont déjà donné de beaux fruits, on attend la récolte ; quand il s'agit de Fauré, on l'espère bonne.

Jouer Fauré, c'est trouver la porte pour entrer dans un monde sonore très personnel et laisser derrière soi toute tentative de plier cette musique à son propre style, sous peine de passer à côté de l'essentiel. Autrement dit, avoir assez de personnalité pour éviter la neutralité d'un jeu stérile, tout en trouvant un ton juste et équilibré. Presque un défi. C'est sans doute pourquoi, vu sa difficulté toute française, la discographie fauréenne semble si faible quantitativement ; c'est pourquoi aussi elle est globalement de grande qualité.

Le programme conçu par nos deux interprètes, si on l'écoute en suivant l'ordre, est intelligemment composé : des morceaux brefs, efficaces et populaires, de la période médiane, encadrés par deux opus de très haut niveau, composés dans une période courte (1917-1921), à plus de 70 ans, pendant la dernière période créatrice ; donc une alternance de concentration et de détente. À noter que ces deux chefs-d'œuvre ont été créés à l'époque avec Alfred Cortot au piano.

Le violoncelliste et le pianiste se retrouvent pour la première fois en duo dans cet album. Le Matteo Gofriller de 1710 de l'un et le Steinway D-274 de l'autre se rencontrent : l'entente entre les deux compères se concrétise ici avec bonheur. Les échanges instrumentaux restent fluides, souples, sans heurts. La ligne mélodique n'est jamais rompue, l'énergie sert l'horizontalité dans une dynamique mélodique pensée, le poids colore la verticalité délicate des couleurs harmoniques. On se laisse porter durant une heure, l'oreille sollicitée avec respect dans cette intimité et cette atmosphère d'un entre-deux fauréen stylistique qui regarde vers le passé tout en subodorant l'avenir, sans rien imposer. Il n'aurait suffit qu'à la prise de son de mieux mettre en avant le clavier, que l'on a tendance à perdre parfois, pour en faire un indispensable.

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