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« Bloody miraculous » : dans un son renouvelé, la Lucia berlinoise de Callas et Karajan

La légendaire Lucia berlinoise de et des troupes de la Scala était bien connue des fans de la diva. On n'en boudera pas pour autant cette nouvelle édition, faite à partir des bandes originales de la radio berlinoise. Le miracle renouvelé !

S'agissant d'une des soirées d'opéra les plus excitantes de tout le XXᵉ siècle, publiée depuis plusieurs décennies sur différents labels, on ne pourra pas dire de ce double album qu'il apporte une surprise ou une révélation. Callas, au sommet de sa forme, y est suprême de bout en bout, même si l'on sent ça et là une certaine tension vocale sans doute annonciatrice des difficultés pour les années à venir. L'interprétation de cette Lucia, bien connue des mélomanes, a déjà été commentée de nombreuses fois, et plusieurs éminents critiques ont glosé sur les portraits brossés par Callas quand elle était dirigée par Karajan : plus petite fille que grande héroïne tragique, ce qui rend plus bouleversant encore l'effroyable chemin de croix de cette jeune femme vulnérable, à l'équilibre psychique fragile, violentée tout au long de l'opéra par une kyrielle de prédateurs : son frère, son confesseur, son amant puis son mari. elle-même aurait dit de cette soirée, après en avoir écouté l'enregistrement et s'être remémorée les souffrances que la représentation lui avait occasionnées, qu'elle tenait du miracle : « It isn't marvellous, it's bloody miraculous! », aurait-elle confié à Robert Sutherland, le pianiste-accompagnateur de sa tournée des années 1973-1974, après avoir écouté avec lui la scène de la folie. Le reste de la distribution est à l'avenant, avec un Di Stefano des grands soirs, et un Panerai qui a tout le mordant que l'on attend de ce rôle de frère dominateur et calculateur, davantage soucieux des intérêts de son clan que du bonheur de sa sœur. Les rôles dits secondaires sont tous excellemment tenus, le chœur de la Scala et l'orchestre du RIAS de Berlin sont visiblement à la fête. Karajan insuffle à la partition un dramatisme qui a rarement été atteint depuis.

L'intérêt de cette réédition réside essentiellement dans la qualité sonore du document, réalisé à partir des bandes originales de la Radio Berlin-Brandebourg (RBB), découvertes en mai 2022. Restaurée au bout de quatre mois d'un laborieux travail, la bande-son est une véritable splendeur, autant pour la richesse de la dynamique que pour celle des timbres, et elle pourra justifier un nouvel investissement pour celles et ceux qui possèdent déjà l'enregistrement dans un autre format sonore. Pour les fans de la Callas, on espère d'autres belles surprises de ce type pour les années à venir.

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