Pour la première de Vénus Anatomique au Grand Théâtre du Luxembourg, Sarah Baltzinger questionne les représentations sur le corps féminin, grâce à cinq interprètes singulières et talentueuses.
Sur une scène blanche et dépouillée au-dessus de laquelle pendent de longues chevelures blondes, cinq danseuses attendent que les spectateurs s'installent, le torse recouvert d'un plastron en silicone reproduisant leurs seins, attributs féminins s'il en est, qui, ici, dissimule autant qu'il expose. Si les Vénus anatomiques étaient des modèles de femmes en cire sculptée pour la science, à la fin du XVIIIe siècle, servant à l'élaboration de méthodes de dissection anatomique, celles que montre Sarah Baltzinger dans sa nouvelle création servent un tout autre propos. Au départ pantins désarticulés ou marionnettes passives entravées et mues par d'autres, dépossédées de leur corps comme de leur parole, elles prennent vie peu à peu. Chacune à sa façon sort de son carcan, parfois pour y revenir, comme dans un cocon protecteur, quand d'autres s'en émancipent entièrement. La chorégraphie proposée par celle qui créa sa propre compagnie en 2016, dans une dynamique transfrontalière entre le Luxembourg et la région Grand-Est, est inventive, dérangeante parfois, mais au final pertinente pour déconstruire les représentations que l'on a des corps des femmes et des injonctions subies.
Avec Vénus Anatomique, sa sixième création, Sarah Baltzinger s'inscrit dans la continuité de ses recherches sur le corps marionnettique afin de mettre en exergue la question des corps confisqués, désincarnés, entravés dans leur liberté. Elle met également en évidence l'identité et les différentes personnalités qui émergent peu à peu de ce groupe de femmes en apparence homogène. Par un joli travail de duos puis des solos époustouflants qui permettent à chaque interprète de donner le meilleur d'elle-même (notamment l'étonnante flexibilité de Chiara Corbetta ou le débit de parole et de mouvement en apparence incontrôlé d'Océane Robin) Vénus Anatomique arrive à faire passer le spectateur de la tension vive au rire, en un rien de temps, et de manière assez inattendue. Le gros travail de recherche et d'improvisation avec les danseuses dès le début du projet n'est sans doute pas pour rien dans le rendu très naturel de ces performances explosives. La première française du spectacle aura lieu mi- janvier 2024 à L'Arsenal, Cité Musicale à Metz, puis il partira en tournée, notamment dans le cadre du festival Faits d'Hiver à Paris ou Mimos à Périgueux.