Les musiciens des Traversées baroques, portés par un plateau de solistes remarquables sous la direction d'Étienne Meyer, magnifient ce chef-d'œuvre du compositeur Ziani, sommet de le l'art baroque italien.
Compositeur vénitien né à la moitié du XVII° siècle, Marc'Antonio Ziani fait partie de cette génération éduquée à la chapelle Saint-Marc, un musicien nommé par la suite maître de chapelle à la cour de Mantoue. Ce compositeur écrit quantité d'opéras créés à Venise. En 1700, il est appelé à la cour de Vienne aux côtés de Josef Fux en tant que compositeur officiel. A cette époque il compose aussi plusieurs opéras et une quinzaine d'oratorios dont La Morte vinta sul Calvario, qui nous est proposé ici. Ce genre sacré s'inscrit pour la Semaine Sainte dans la dénomination de « sepulcro », spectacle avec décors et costumes reproduisant l'ambiance du saint tombeau.
Cet oratorio relatant la mort vaincue sur le calvaire fut ainsi créé à Vienne à la cour de Joseph 1er le Vendredi saint de l'année 1706. Il s'agit d'une œuvre méconnue mais géniale qui met en scène le démon, la mort, la nature humaine, la foi et l'âme d'Adam. Le déroulement de l'oratorio repose sur la présence du démon qui se réjouit de la mort du Christ, rixe interrompue par l'allégorie de la nature humaine. La foi intervient alors pour contrecarrer les projets de Satan et l'issue de l'intrigue se conclut avec l'intervention de l'âme d'Adam, représentant la consolation de la nature humaine. Cette œuvre allégorique se compose de deux parties avec alternance d'airs et de récitatifs. La force narrative est importante, quasi théâtrale.
Les musiciens de l'ensemble Les Traversées baroques prennent à bras le corps ce récit intense de la résurrection de Jésus, tous captés dans l'acoustique bonifiante de la chapelle des Verriers à Troisfontaines (Moselle). Étienne Meyer dirige avec aisance l'ensemble et c'est Judith Pacquier qui en assure la direction artistique depuis son cornet à bouquin. Le plateau des cinq solistes vocaux est des plus remarquables, chacun incarnant avec force et souplesse vocale l'une des entités conductrices de l'action. Yannis François, baryton-basse : le démon ; Vincent Bouchot, ténor : la nature humaine ; Maximiliano Bañoz : la mort ; Gagmar Saskova, soprano : la foi et Capucine Keller soprano : l'âme d'Adam. Les instrumentistes prolongent cette émotion portée par une écriture d'une incroyable richesse et une interprétation sensible et informée.
Une fois de plus le disque permet au travers de sa vocation pédagogique la découverte à la fois d'un compositeur oublié et de l'une de ses œuvres les plus significatives. Son art, témoin du contexte musical de son temps est un subtil mixage des styles italiens et allemands.