Dans un programme destiné à faire un parallèle entre la foi qui bâtit les églises et l'art lyrique qui soulève les dévotions, Roberto Alagna propose une nouvelle approche du cross over. Pour les inconditionnels, mais pas que…
Curieux programme que celui du dernier CD de Roberto Alagna, qui mêle des pièces d'inspiration religieuse, dont un « Notre Père » mis en musique par le ténor lui-même, à un bouquet de chansons françaises et italiennes d'inspiration sentimentale. On entendra ainsi les deux « Ave Maria » de Schubert et de Bach-Gounod mélangés aux chants traditionnels « Fenesta che luciva » – autrefois attribué à Bellini » – ou même le célébrissime « Bella Ciao ». Autres tubes intemporels, la chanson « Avec le temps » de Léo Ferré ou la fameuse valse de Chostakovitch autrefois immortalisée par le petit écran, intitulée pour les besoins de la cause « La Valse de l'Espérance » sur des paroles en français et en italien du grand ténor. La part du lion revient au musicien Jean-Félix Lalanne, lequel a en partie recyclé certains des numéros de la comédie musicale Al Capone donnée aux Folies Bergère en février 2023.
Le concept convaincra ou ne convaincra pas. L'idée de l'album est de rendre un hommage personnel à « l'immense cathédrale qu'est l'art lyrique » à laquelle Roberto Alagna estime avoir apporté sa pierre, ce dont personne ne saura disconvenir. Au terme de près de quarante ans de labeur, le ténor a bien le droit de se faire plaisir en compagnie des musiciens qu'il apprécie. L'amateur de musique classique ne sera pas nécessairement emporté par un programme né visiblement d'un désir de partage et de communion, mais les amoureux du chant ne pourront que chavirer devant la beauté du timbre, l'élégance de la diction ou l'insolente santé vocale d'un artiste qui nous enchante depuis des décennies. À ses côtés, Jean-Félix Lalanne à la guitare et Marek Ruszczyńki au piano forment un duo de parfaits complices, de toute évidence acquis au bienfondé de l'entreprise.