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De passage à Paris, Semyon Bychkov et le Czech Philharmonic dans Chostakovitch

Pour cette étape de leur tournée européenne (Vienne, Amsterdam, Londres, Paris et Bruges) et le Czech Philharmonic célèbrent le 50e anniversaire de la mort de dans un programme comprenant le Concerto pour violoncelle n° 1 interprété par et la Symphonie n° 5.

 

Deux œuvres iconiques du compositeur russe qui mettent en avant, tout à la fois, la justesse de la direction de et la beauté éclatante de la plastique orchestrale du Czech Philharmonic.

Composé en 1959, dédié à Mstislaw Rostropovitch, le Concerto n° 1 voit l'entrée en scène du violoncelliste . Après une entame étonnamment lyrique qui énonce le thème, sans la rugosité habituelle, le violoncelliste nous livre une interprétation « à fleur de peau » tendue, habitée, théâtrale et virtuose, en parfait équilibre et communion avec l'orchestre d'où se détachent l'excellent cor de Jan Vobořil, une petite harmonie rutilante et  des cordes somptueuses dont on admire le sublime legato dans l'émouvante cantilène aux accents nostalgiques typiquement russes du Moderato, conclu sur de subtiles pianissimi du soliste  et quelques notes égrenées du célesta. La Cadence d'une virtuosité confondante et d'un lyrisme intense, dissonante et obstinée, précède un Allegro final très engagé et envoutant dans une cavalcade virtuose scandé par les timbales où réapparait le thème initial confirmant le principe cyclique de l'œuvre.

Une très belle mélodie donnée en bis, composée par le violoncelliste lui-même, nous permet d'admirer une fois encore la superbe sonorité de , achevant cette première partie dans la grâce et la poésie.

 

Composée pendant les grandes purges staliniennes de 1937, faisant suite au scandale de Lady Macbeth, la Symphonie n° 5 peut être vue comme un amendement ambigu, inévitable et simulé, du compositeur envers le régime soviétique. rend parfaitement compte de cette ambiguïté en faisant souffler tour à tour le feu et la glace sur son interprétation qui associe, tout à la fois, l'âpreté de certaines lectures russes (on pense à Mravinski et Kondrachine) et un certain hédonisme musical propre à d'autres visions plus occidentales. Chargé de nuances dynamiques, sur un tempo assez lent, le premier mouvement, Moderato, met d'emblée en place un climat lourd d'affliction (cordes, cor, petite harmonie) fait de tension et de violence contenue, de fausse joie et de lyrisme vénéneux. On y admire la continuité sans faille du discours, la clarté de la texture (contrechants, harpe), la précision de la mise en place comme celle de l'agencement rigoureux des différents plans sonores, autant que la qualité des performances solistiques individuelles (cor, flute, clarinette). Puis le phrasé se creuse, parcouru d'angoissants staccatos dans le grave du piano et des cordes ouvrant sur une marche inexorable (cuivres et percussions) qui dévaste tout sur son passage, ne laissant subsister  que la fragile péroraison du violon solo et du célesta au sein d'un paysage désolé, préludant à un silence sépulcral. Ouvert par les cordes graves, l'Allegretto est un scherzo grinçant, bringuebalant, sarcastique, faussement joyeux qui fait penser à Mahler avant que le Largo ne déroule sa longue méditation, véritable lamento porté par des cordes d'un lyrisme éperdu auquel s'adjoignent les bribes mélodiques de la harpe, de la flute et du hautbois, avant qu'une effervescence inquiète et angoissée, très tchaïkovskienne ne referme le mouvement, conclu par les sonorités épurées de la harpe et du célesta. Allegro final couronne cette remarquable interprétation par une marche triomphale dont la signification n'est pas univoque, véritable maelstrom musical scandé par de vigoureuses attaques de cordes et des beuglements dévastateurs de cuivres, conduits par Semyon Bychkov avec une précision et une énergie hors du commun.

Nimrod, tiré des Variations Enigma d'Edward Elgar, donné  en bis, achève cette superbe soirée de concert.

Crédits photographiques : © Antoine Benoit-Godet 

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