Cela faisait plus de trente ans que le Vaisseau fantôme n'avait pas accosté sur les rivages du Théâtre du Capitole. L'audacieux casting de cette nouvelle production compose une merveilleuse production « maison ».
Au sein du Théâtre du Capitole, en ce mois de mai, Michel Fau semble inaugurer en France le sixième Musée national de la Marine au regard de sa mise en scène consacrée à son premier Wagner ! Tel un tableau du XVIIe siècle, époque de création du Vaisseau fantôme, les décors et toiles peintes du décorateur Antoine Fontaine, font rentrer le spectateur dans un livre d'images. Cette approche quasi-photographique se retrouve jusqu'à la direction d'acteurs, le jeu des interprètes se limitant au-devant de la scène, dans une approche scénique presque statique, s'adressant face au public pour donner toute son ampleur au chant. Pour faire vivre cette toile, notons la qualité remarquable des lumières de Joël Fabing, qui, tels des coups de pinceaux savamment donnés, réalisent un jeu d'ombre et de lumières idéalement fantasmagoriques, renforçant la vision onirique du Hollandais volant. La démarche parfaitement respectueuse du metteur en scène, qui honore l'ensemble des didascalies du compositeur-librettiste, n'affaiblit cependant pas la démarche créatrice de l'artiste du XXIe siècle, en déployant un Wagner des grands soirs.
L'excellence est au rendez-vous également dans la fosse, l'ouverture brillante de reliefs et d'épopées chevaleresques menée par le wagnérien Frank Beermann, étant acclamée dès la dernière note de la partition. Tensions et poésie sont portées au plus haut par un Orchestre national du Capitole déterminé. Les plans sonores sont parfaitement mesurés pour une musicalité de toute beauté, dans laquelle le Chœur du Capitole s'intègre sans réserve. L'amplitude vocale des choristes et les multiples visages de ces interprètes se parent des sublimes costumes d'un Christian Lacroix avec, une fois encore, le vent en poupe.
Les nombreuses prises de rôle de cette distribution étaient également très attendues. Ce sont des interprètes de tout premier ordre qui évoluent sur le plateau, remarquables autant collectivement par leur équilibre, que de manière individuelle sur le plan interprétatif. A l'instar de cet impressionnant Hollandais volant incarné par la basse Aleksei Isaev. La puissance de ce timbre sombre et son autorité naturelle lui permettent d'incarner avec une évidente séduction le héros romantique. A ses côtés, Ingela Brimberg sait nuancer ses effets et rythmer les dynamiques du drame pour dépeindre une Senta étincelante et d'une belle noblesse dans son sacrifice passionnel pour rejoindre son bien-aimé.
L'attachant Erik d'Airam Hernández fait preuve d'une belle musicalité, alors que la basse Jean Teitgen sait colorer tous les traits propre au complexe patriarche Daland, et que la mezzo-soprano Eugénie Joneau (Mary) et le ténor Valentin Thill (le pilote de Daland) donnent du caractère à leur incarnation malgré la brièveté de leurs interventions.
Un tonnerre d'applaudissements en fin de représentation vient saluer cette nouvelle production du Théâtre du Capitole.