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Angelin Preljocaj sous la Coupole

Beaucoup d'émotion, le mercredi 21 mai après-midi, sous la Coupole de l'Institut de France, à l'occasion de la séance d'installation d' à l'. Élu le 24 avril 2019 au fauteuil III de la toute nouvelle section de chorégraphie, le chorégraphe rejoint ses pairs Thierry Malandain, Blanca Li et Carolyn Carlson dans une reconnaissance officielle et méritée de l'art chorégraphique par l'Institut de France.

Après six années d'attente, l'entrée du fondateur du en habit vert revêtait une résonance toute particulière et presque mystique, rendant cette cérémonie intense et inoubliable. C'est Astrid de La Forest, membre de la section de gravure et dessin, qui a accueilli le chorégraphe avec un hommage particulièrement inspiré. Artiste elle-même, elle a brossé, à la manière d'un polyptyque, le parcours d'un créateur habité par le mouvement, le combat et la beauté.

Elle a retracé les origines d', fils d'un menuisier albanais et d'une bergère monténégrine, né en France après le périple de ses parents à travers les montagnes et un passage par un camp de réfugiés. De ce passé, le chorégraphe conserve une attention aiguë aux corps en exil et aux récits de violence. La révélation pour la danse se produira grâce à une photographie de Rudolf Noureev dans le livre « Le monde merveilleux de la danse » prêté par une camarade de classe, point de bascule dans une vocation artistique que ses parents, prudents et ancrés dans leurs traditions, ne comprenaient pas.

Astrid de La Forest évoque aussi les maîtres fondateurs — Karin Waehner, Merce Cunningham, Viola Farber et Dominique Bagouet — et les premières pièces chorégraphiques d' jusqu'à Noces en 1989, où Preljocaj règle ses comptes avec la diaspora albanaise. Il conçoit alors la création chorégraphique à la manière des Ballets russes, en s'entourant d'artistes pour réaliser une œuvre totale. Astrid de La Forest a souligné d'ailleurs son talent d' »assemblier », capable de fédérer danseurs, musiciens, scénographes, écrivains et designers dans des créations où la sensualité rivalise avec la rigueur d'écriture et de composition. Elle a salué ses chefs-d'œuvre comme Le Parc, Gravité, Siddharta ou Requiem(s), ainsi que le rôle central du Pavillon noir, à Aix-en-Provence, premier centre de production chorégraphique conçu pour l'activité qu'il abrite.

Un discours drôle et poignant

À son tour, Angelin Preljocaj a pris la parole dans un discours émouvant, évoquant « ceux qui l'ont fait », à commencer par les 396 danseurs de sa compagnie dont les noms sont gravés sur les marches du Pavillon noir. Il a rendu hommage à Nicole Saïd, sa collaboratrice de toujours, à son épouse Valérie Müller, et à leurs deux filles, Agathe et Iris. Le chorégraphe a aussi partagé des anecdotes marquantes, comme sa rencontre truculente avec Rudolf Noureev à la brasserie Voltaire, qui décidera de la commande par l'Opéra de Paris du ballet Le Parc, ou encore la confiance inespérée de Karine Waehner qui l'accueillit sans condition pour sa formation à la Schola Cantorum. Son témoignage évoque les différentes étapes d'un chemin qui l'a mené de Champigny-sur-Marne au Kilimandjaro, de l'inconfort des premiers studios de répétition à la reconnaissance internationale.

Avec malice, le chorégraphe a rappelé qu'il n'avait pas attendu 203 ans — le délai entre la fondation de l'Académie et la création de la section de chorégraphie — mais quand même six longues années pour cette installation. « La danse est un art de combat », a-t-il affirmé, rappelant le courage de ses parents immigrés, la rigueur du judo qui a forgé sa physicalité, et la nécessité de danser face au monde, pour lui redonner un peu de beauté.

Une épée entre art et rituel

Moment solennel : la remise de l'épée d'académicien, conçue par la designer , qui a conçu la scénographie de plusieurs de ses spectacles, par Nicole Saïd. L'épée, pensée comme un bâton de pluie et de combat, est sertie d'un disque de météorite et taillée dans du noyer à croissance lente, pour sa densité sonore. Elle symbolise à merveille cette alliance entre douceur et puissance qui traverse toute l'œuvre de Preljocaj. Des extraits de spectacles dansés par le sont venus ponctuer la cérémonie, tissant un lien vivant entre les livres, les mots et les corps.

Angelin Preljocaj n'entre pas seul sous la coupole. Plus qu'une installation, cette séance fut une célébration et un moment collectif et partagé avec ses premiers complices de création. (DG)

Crédit photos : (c) Edouard Brane –

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