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L’hommage à Brel d’Anne Teresa De Keersmaeker et Solal Mariotte

À la Carrière de Boulbon, l'un des lieux mythiques du Festival d'Avignon, première en France de BREL, le duo de la chorégraphe belge avec le jeune breakdancer français . La puissance des chansons et du lieu dépasse celle de la danse.

C'est par La Valse à mille temps que et ont croisé ensemble le répertoire de pour la première fois. L'un était étudiant à P.A.R.T.S., l'école fondée par la chorégraphe à Bruxelles, l'autre était sa commanditaire. Pour son premier projet, il a choisi un solo sur la célèbre chanson de l'icône belge. Une expérience qui nourrit aujourd'hui un duo intergénérationnel, réunissant une créatrice reconnue et une jeune pousse de la danse.

On ne peut tenir rigueur à de donner leur chance à de plus jeunes artistes, si c'est une manière de passer doucement la main. Mais l'écart semble ici trop grand entre la rigueur mathématique et formelle de son écriture chorégraphique, nourrie de chiffres d'or et de musicologie, et la spontanéité de feu follet d'un jeune homme autodidacte, biberonné à la breakdance.

Décidée à rire de tout, et surtout d'elle-même, jusqu'à se mettre nue sur scène, support à la projection du visage en gros plan de chantant « Ne me quitte pas », Anne Teresa De Keersmaeker se prête avec une certaine complaisance à cette pochade non dénuée de références à son propre travail chorégraphique. Au début du spectacle, Anne Teresa De Keersmaeker – « La fille qui danse » – danse seule et utilise comme un palimpseste des mouvements extraits de ses premiers spectacles comme Fase, Four Mouvements on the Music of Steve Reich ou Rosas danst Rosas.

Mais très vite, la magnifique Carrière de Boulbon, sur laquelle s'est inscrit en gros caractères « Ça va » au début du spectacle, devient un terrain de jeu à deux, où joue les trublions insolents, criant depuis les passerelles ou chantant (faux) Les Flamandes. Lui, le jeune Français de culture hip hop, semble bien éloigné de la culture flamande chantée par dans Le plat pays, qui s'enchaîne en français et en flamand sur des images en noir et blanc du raz-de-marée qui frappa le pays en février 1953, semant la mort et la désolation.

Sous les poursuites, juchées tout en haut de la falaise, Solal Mariotte entraîne alors la chorégraphe dans Le plus vieux tango du monde, à la manière d'un cabaret de Bruxelles, qui est aussi prétexte à un clin d'œil d'Anne Teresa De Keersmaeker au nom de sa compagnie, Rosas, à travers la déclinaison latine « Rosa, rosa, rosam, Rosae, rosae, rosa, Rosae, rosae, rosas, Rosarum, rosis, rosis. » Autour des chansons Les bourgeois, Les vieux, Ces gens-là ou Dans le port d'Amsterdam, c'est pourtant le répertoire plus grinçant et plus sombre du chanteur belge qui prend le dessus sur l'ambiance flonflon et musette de Vesoul. Avec son costume doublé de fleurs et ses boucles folles, Solal Mariotte n'est alors plus vraiment à sa place dans cette Chanson des vieux amants, contrairement à la chorégraphe aux longs cheveux blancs, dont la gravité reste intacte dans le costume trop grand.

C'est lors du final, sur la chanson Jojo, déshabillée de cette danse illustrative et presque insignifiante proposée pendant presque 90 minutes, que l'on peut enfin lever les yeux sur le ciel étoilé de la Carrière de Boulbon. Loin des Marquises, où Jacques Brel avait choisi de finir ses jours, la nuit provençale rend hommage à un immense chanteur dont on a pu redécouvrir les textes poétiques et rageurs, à la portée sociale indéniable, grâce au sous-titrage en grands caractères défilant tout au long du spectacle sur le décor. « Veux-tu que je te dise / Gémir n'est pas de mise / Aux Marquises. »

Crédits photographiques : © Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon

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