- ResMusica - https://www.resmusica.com -

À Perpignan, Vénus et Adonis de John Blow sous les étoiles

À Perpignan, la cinquième et dernière soirée des « Scènes étoilées » 2025, emmenées par sa directrice Elisabeth Dooms, invite sur le plateau des Grands Carmes le (JOBE) et sa pléiade de chanteurs révélant au public l'unique opéra de , Vénus et Adonis.

Sous l'impulsion de et de , le JOBE est un projet d'insertion professionnel européen porté par l'ensemble et Les Nuits d'Uzès. Les instrumentistes et chanteurs sortent tous des conservatoires européens les plus prestigieux (Bâle, La Haye, Lyon, Paris, Bruxelles…), rassemblés cette année autour d'un projet d'opéra en version de concert, celui, rarement donné, de , qu'ils font tourner sur la scène internationale.

Les martinets tourbillonnent encore au-dessus de nos têtes – le couvent des Carmes est à ciel ouvert ! – quand s'installent les musiciens, cordes et flûtes à bec à gauche de leur chef , instruments du « continuo » à sa droite, clavecin et orgue doublés par la viole de gambe, le théorbe et le violone, grosse viole à six cordes. L'ensemble bénéficie d'une légère amplification, un dispositif de haut-parleurs sur toute la longueur de la la nef permettant la diffusion sonore.

Bijou resté dans l'ombre de Didon et Enée, Venus et Adonis de (1649-1708), que l'on considère comme le premier opéra anglais, est en un prologue et trois actes, écrit en 1683, soit six ans avant le chef d'œuvre de Purcell qu'il anticipe par bien des aspects.

Une histoire puisée dans la mythologie

Le prologue est emmené par Cupidon qui célèbre les beautés de l'Amour. Vénus aime Adonis (acte I) mais l'écho de la chasse perturbe leur duo amoureux sans nuage. Venus engage alors Adonis à rejoindre les chasseurs et à s'éloigner d'elle pour attiser le désir par l'absence… La leçon de Cupidon, dans l'acte II, nous fait momentanément sortir de l'intrigue avant la déploration finale (acte III) où l'on pleure la mort d'Adonis tué par le sanglier.

Des voix pleines de vitalité

Le rôle de Cupidon, originellement écrit pour un enfant, est interprété avec toute la légèreté et la malice attendue, par l'altiste en nœud papillon et costume printanier. Si la voix est un peu serrée dans le prologue, elle s'assouplit à mesure ; l'articulation est claire et le phrasé très ciselé. L'arrivée des deux protagonistes dans le premier acte est superbe, pleine d'émotion comme le sera celle de Pamina et de Tamino dans le dernier acte de La Flûte enchantée. Le baryton de /Adonis est bien timbré et d'une belle aisance dans tout son registre, le soprano de /Venus d'une grande souplesse ; le timbre est joli et l'intonation très soignée. Son dernier air, sur une basse descendante obstinée, préfigure les accents de la mort de Didon chez Purcell.

Place au chœur et au divertissement

Comme le veut la tradition anglaise du masque, les parties chorales sont nombreuses dans Venus et Adonis, où l'écriture polyphonique de Blow n'a rien à envier à celle de Purcell qui fut d'ailleurs son élève : ainsi ce chœur des bergers (épatants Adèle Huber, Alexandre Jamar , Brice Claviez-Homberg et Lorenzo Tosi) dans l'atmosphère pastorale du prologue, et celui des chasseurs dans l'acte I, avec des interventions solistes pour chacun des participants. Le chœur final, sublime déploration sur la mort d'Adonis, est aussi le sommet de l'œuvre, d'une richesse polyphonique et d'un élan expressif magistraux.

L'esprit de la danse passe par l'écriture instrumentale qui concerte avec la ligne de chant – le charme des flûtes à bec mêlées aux sonorités de l'orgue est exquis –  et relaie bien souvent les voix. Si les danses ajoutées après « l'ouverture à la française » diffèrent par trop l'arrivée des voix, à notre goût, les courtes suites de danses (danses des Grâces, Gavotte, Sarabande…) et le fameux ground anglais (basse obstinée) qui ponctuent chaque acte, laissent apprécier le travail collectif des musiciens sous la direction économe autant que ferme du chef et maître d'œuvre .

Crédit photographique : © ResMusica

Lire aussi :

Vénus et Adonis, Didon et Enée : une troublante mise en miroir

 

 

 

(Visited 239 times, 1 visits today)
Partager