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Vénus et Adonis, Didon et Enée : une troublante mise en miroir

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John Blow (1649-1708) : Vénus et Adonis, opéra en trois actes et un prologue sur un livret anonyme. Henry Purcell (1659-1695) : Didon et Enée, opéra en trois actes et un prologue sur un livret de Nahum Tate. Mise en scène : William Relton. Chorégraphie : Sara Ekman. Scénographie : Christer Nilsson. Costumes : Anna Kjellsdotter. Lumières : Sofie Anderson. Avec : Ida Ränslöv, mezzo-soprano (Vénus/Didon) ; Bernt Ola Volungholen, ténor (Adonis/Enée) ; Rupert Enticknap, contre-ténor (Cupidon / L’Enchanteresse) ; Christina Larsson Malmberg, soprano (Suivante de Vénus / Deuxième Muse/Belinda) ; Lisa Carlioth, soprano (Bergère / Première Muse / Seconde Femme / Première Sorcière / Courtisane/Chœur) ; Mathilda Sidén Silfver, mezzo-soprano (Bergère / Première Chasseresse / Troisième Muse / Seconde Sorcière / Esprit / Courtisane / Chœur) ; Mikael Stenbaek, ténor (Berger / Premier Chasseur / Marin / Courtisan / Chœur) ; Arash Azarbad, basse (Berger / Troisième Chasseur / Courtisan / Chœur) ; Confidencen Opera et Music Festival Orchestra, direction : Olof Boman. Réalisation : Jonas Hermansson. 1 Blu-ray Opus Arte. Enregistré au Confidencen Theatre en août 2021. Sous-titres : anglais, français, allemand, japonais et coréen. Notice de présentation en anglais. Durée : 98:00

 
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Bien que l'on s'étonne toujours que la vingtaine de minutes du prologue prévu pour le chef-d'œuvre de Purcell soit encore systématiquement délaissé par les maisons d'opéra au profit de compléments de programme hasardeux, on sera séduit d'emblée par l'évidence de cette délicieuse production suédoise : remonter à la naissance de l'opéra anglais en unissant Didon et Enée à Vénus et Adonis de .

fut l'élève de : l'un et l'autre sont aujourd'hui considérés comme les créateurs de l'opéra anglais. Blow fut le précurseur, qui s'affranchit des masques et autres semi-opéras alors en vigueur en composant avec Vénus et Adonis la première œuvre anglaise à être entièrement chantée. Bien que sous-titré Masque pour le divertissement du roi, Vénus et Adonis peut donc s'enorgueillir d'un prestigieux titre de gloire : celui d'être le premier opéra anglais. Après sa création (entre 1681 et 1683) devant la cour de Charles II, Vénus et Adonis fut repris par les élèves du pensionnat féminin de Josias Priest de Chelsea en 1684, cinq ans avant la supposée première in loco du Didon et Enée de l'élève Purcell en 1689. Une découverte de 1988 montre que le chef-d'œuvre de Purcell a pu être créé lui aussi en 1684 : les deux opéra la même année ? par les mêmes élèves ? Par-delà cette stimulante matière à investigation, les deux œuvres restent intimement liées et on ne peut que saluer l'initiative suédoise de les jouer tout en rejouant leur histoire. Même s'il serait vain de nier que l'élève a dépassé le maître, on s'adonne avec délice à la troublante parenté des deux opéras : leur brièveté, leur structure (un prologue et trois actes), leur argument (d'Eros à Thanatos) et même leur distribution.

Une distribution qui semble avoir été conçue de concert par les deux compositeurs. Vénus/Didon ; Adonis/Enée ; Cupidon/La Magicienne ; La Suivante de Vénus/Belinda : c'est un des grands atouts de ce DVD que de retrouver d'un opéra à l'autre chacun des membres de la merveilleuse troupe veillée par la direction harmonieuse de Olof Boman, toute de fluidité soyeuse. Jamais ne sonne étique la douzaine d'instrumentistes dans la petite fosse du Confidencen Theatre de Stockholm, une adorable bonbonnière façon Drottningholm, construite en 1753 dans le palais d'Ulriksdal. Les costumes sont princiers, les perruques valsent, les toiles peintes vont et viennent comme dans les livres de nos enfances. Les mouvement sont gracieux, les chorégraphies à la portée de tout un chacun. Chacun s'amuse et s'émeut à l'envi. On est dans La Flûte enchantée de Bergman et au pensionnat de Chelsea. La mise en scène de épouse la sensualité puissante des deux partitions et, bien qu'aussi éloignée que possible de toute relecture contemporaine, on croit à tout : de l'apparition d'Adonis alangui à son bras qui glissera de son lit de mort, de l'empressement inquiet de la cour de Didon à la mort poignante de cette dernière avec sa robe étoilée ployant au couchant dans le lointain des perspectives du plateau.

, Vénus et Didon d'un charme fou, capte autant l'œil avec son détachement gracieux et souriant, que l'oreille par la tenue impeccable d'une voix s'écoulant comme une eau pure. transcende son air d'enfant pris sur le fait par une solide musicalité virile. , Cupidon à la James Bowman, a plus d'une corde à son arc puisqu'il incarne dans la foulée une Enchanteresse d'une perversité sans filtre. Le soprano empathique de appelle également bien des éloges. Les autres rôles échoient à quatre chanteurs, dont les quatre voix assurent également les nombreuses parties chorales avec une ampleur qui n'a rien à envier à des ensembles plus fournis. La mariée musicale étant tellement belle, on déplore que les choix musicaux, contrairement aux très complètes versions Pickett et Hogwood, omettent quelques mesures, ne faisant par exemple entendre dans Didon et Enée qu'un petit ground à la fin de l'acte I.

Hormis deux images manquantes chez Purcell (l'arrivée de l'Enchanteresse au III, les dernières secondes qui auraient mérité un plan plus large), le filmage est habile, même à l'endroit de la fosse, où l'engagement vibrant de chacun est particulièrement perceptible. Détachée des arguties d'une vaine compétition entre maître et élève (Vénus et Adonis contient de très belles pages comme le Ground très purcellien de l'Acte II), cette parution pour tous remplit parfaitement le cahier des charges de son dialogue entre deux compositeurs qui ont beaucoup de choses à se (et à nous) dire.

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John Blow (1649-1708) : Vénus et Adonis, opéra en trois actes et un prologue sur un livret anonyme. Henry Purcell (1659-1695) : Didon et Enée, opéra en trois actes et un prologue sur un livret de Nahum Tate. Mise en scène : William Relton. Chorégraphie : Sara Ekman. Scénographie : Christer Nilsson. Costumes : Anna Kjellsdotter. Lumières : Sofie Anderson. Avec : Ida Ränslöv, mezzo-soprano (Vénus/Didon) ; Bernt Ola Volungholen, ténor (Adonis/Enée) ; Rupert Enticknap, contre-ténor (Cupidon / L’Enchanteresse) ; Christina Larsson Malmberg, soprano (Suivante de Vénus / Deuxième Muse/Belinda) ; Lisa Carlioth, soprano (Bergère / Première Muse / Seconde Femme / Première Sorcière / Courtisane/Chœur) ; Mathilda Sidén Silfver, mezzo-soprano (Bergère / Première Chasseresse / Troisième Muse / Seconde Sorcière / Esprit / Courtisane / Chœur) ; Mikael Stenbaek, ténor (Berger / Premier Chasseur / Marin / Courtisan / Chœur) ; Arash Azarbad, basse (Berger / Troisième Chasseur / Courtisan / Chœur) ; Confidencen Opera et Music Festival Orchestra, direction : Olof Boman. Réalisation : Jonas Hermansson. 1 Blu-ray Opus Arte. Enregistré au Confidencen Theatre en août 2021. Sous-titres : anglais, français, allemand, japonais et coréen. Notice de présentation en anglais. Durée : 98:00

 
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