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A Aix, Ermonela Jaho passionnément !

Dans le cadre du Festival d'Aix-en-Provence, le Conservatoire Darius Milhaud accueillait en ses murs la soprano et la pianiste Pantesilena Jaho dans un récital consacré à la romance italienne. Un moment d'exception.

Cette soirée permet de rappeler à quel point incorpore à son jeu d'actrice un investissement physique total. Au-delà de sa maestria vocale, la soprano albanaise apparaît profondément authentique, dans le don de soi. Ses nombreuses prises de parole, notamment pour introduire les œuvres et exprimer sa relation avec celles-ci, savent créer un moment de partage entre l'interprète et le public. A de nombreuses reprises, il nous semble assister à une scène opératique miniature tellement l'engagement émotionnel qui s'incarne est porteur d'une vérité parfois plus vraie que nature. Armée de cette puissance théâtrale, l'artiste s'investit dans chaque pièce comme si sa vie en dépendait. Sa manière d'occuper l'espace et le temps hypnotise.

Au piano, nous retrouvons sa nièce Pantesilena Jaho dans un accompagnement aussi fluide que flexible. Phrasé ample, toucher sensible. La pianiste respire le même air que la chanteuse, constamment dans l'écoute, attentive à chaque direction que prend cette dernière dans un programme aux nombreux joyaux.

Les opéras de Donizetti sont régulièrement joués mais on connaît moins ses cycles de mélodies dont certaines n'ont été que très rarement interprétées ( est impliquée dans le projet « Donizetti Song Project » d'Opera Rara). Dans le cadre intime du conservatoire, le feu sacré de la soprano nous prend aux tripes dès les premières secondes et ne nous lâche plus. Le clair-obscur de ces pages subtiles permet une variété expressive caractérisant chaque sentiment grâce à un éventail de nuances aussi frémissantes qu'ardentes.

Dans l'univers de Cilea (Lontananza!, Serenade), l'émotion nous parvient de façon brute,  Ermonela Jaho semblant consumée par un désir fiévreux. Dans l'aria suivant, Io son l'umile ancella, extrait d'Adriana Lecouvreur, elle met son cœur à nu : un épisode bouleversant qui fait chavirer le public aixois ! La dimension tragique du Lasciami, lascia ch'io respiri de Tosti s'exprime avec prestance tandis qu'Ideale, vibrant d'amour, déroule des lignes empreintes de ravissement, portées par un piano qui semble prolonger le temps. La pureté du timbre brille de tous ses feux dans les mélodies pénétrantes de Wolf-Ferrari. On est séduit par la richesse des couleurs mais aussi par la posture élégante de la soprano dans ces tableaux d'une réelle beauté. Joué sans entracte, ce récital se révèle exigeant jusqu'à la fin, montant même d'un cran du point de vue de l'intensité dramatique.

Ermonela Jaho rend hommage à auquel elle dédie Ombra di Nube de Lucinio Recife dans une interprétation déchirante. Des pages illustres de Puccini viennent clore ce concert, dont un extrait de Madame Butterfly en prolongation des festivités inoubliables de l'année dernière. Le degré d'émotion ne redescend plus avec cette longueur de souffle impressionnante, ces aigus pianissimi filés, épidermiques, qui résonnent avec un supplément d'âme. Faisant le geste d'une longue étreinte avec son public, Ermonela Jaho revient donner quatre bis dont un Ave Maria de Verdi d'une intériorité lumineuse.

Crédits photographiques : Ermonela Jaho—Festival d'Aix-en-Provence 2025 © Vincent Beaume

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