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Vox Luminis et la Passion selon saint Jean à Salzbourg, Bach en majesté

La première semaine du Festival fait la part belle aux chœurs, et le public salzbourgeois fête un ensemble qui fait vivre le répertoire choral comme aucun autre aujourd'hui.

À deux pas des grandes salles, la Kollegienkirche baroque est le lieu central de la première semaine du festival, cette Ouverture spirituelle (en français dans le texte) créée en 2012 : depuis que Markus Hinterhäuser a pris la direction du festival, cette série est devenue un espace de liberté précieux en marge des facilités de programmation du monde classique en général et de Salzbourg en particulier, en mélangeant avec audace et bonheur musique contemporaine et répertoire ancien, musique médiévale y compris ; la frange la plus « authentiquement » mélomane, la moins mondaine du public du festival, s'y retrouve chaque année avec une ferveur qui fait plaisir à voir.

La Kollegienkirche, construite comme son nom l'indique comme église d'une université bénédictine en 1707, est liée au depuis 1922. Son acoustique, pourtant, n'est pas toujours facile, malgré les réflecteurs suspendus dans la nef et le chœur, et on ne comprend pas pourquoi le festival s'obstine à y programmer des concerts à petits effectifs, cette année encore ; pour cette Passion, le problème est naturellement différent, et on peut admirer comment les musiciens s'accommodent de la longue réverbération – on l'entend bien dès le chœur d'entrée, quand l'orchestre laisse mourir le son avant d'entamer la reprise. Après tout, la tournée qui a précédé a eu lieu dans des salles de concert, à l'acoustique bien différente ; l'ampleur du geste, la sobriété des intentions expressives contribuent grandement à conserver toute la lisibilité de l'œuvre et de l'interprétation, au moins dans les premiers rangs de l'église.

, déjà invité dans ce cadre en 2023 et 2024, revient en 2025 avec deux programmes. Deux jours avant cette Passion, on a pu admirer un programme d'oratorios de Carissimi et Charpentier qui a justement enthousiasmé le public salzbourgeois. Le second programme, lui, n'est pas une rareté, même si la Passion selon saint Jean n'avait figuré qu'une seule fois au programme du festival, en 1989.  n'en est pas à son coup d'essai avec la Passion selon saint Jean. En 2019, Lionel Meunier avait collaboré avec Café Zimmermann ; cette fois, c'est le tour du , sous la conduite de Petra Müllejans au premier violon, continuant une collaboration au long cours.

Comme à son habitude, a préparé les troupes, mais il se fond dans le chœur, dont il ne sort que pour le rôle de Jésus dans les récitatifs, sans quitter sa position en fond de scène, au milieu des choristes disposés en arc de cercle autour de l'orchestre, en se contentant de donner quelques indications pour coordonner le chœur. Il faut bien dire que cela ne l'aide pas à approfondir la rhétorique et les émotions de son incarnation christique, mais du moins le chœur, lui, n'en souffre pas. Comme pour tout concert de , c'est d'abord le chœur qui concentre les attentes, ce qui tombe bien pour une œuvre où la partie chorale est si dominante. Quatre chanteurs par partie suffisent bien à donner tout le volume nécessaire à la partie chorale ; on connaît la densité sonore des chanteurs de Vox Luminis, leur capacité à rendre lisibles les plus complexes structures polyphoniques, tout en donnant une expressivité sobre aux chorals si importants dans cette passion ; pour autant, les chœurs les plus dramatiques n'y perdent rien : la ferveur contemplative des chorals est bien là, mais l'agressivité des oppresseurs n'est pas en reste.

Comme souvent avec Vox Luminis, les airs solistes sont chantés par des membres du chœur, qui viennent en avant-scène le temps de leur air – l'option est risquée, les chanteurs habitués au chœur n'étant pas toujours à la hauteur en tant que solistes, comme on a pu le voir souvent dans les concerts Bach d'un John Eliot Gardiner. On ne peut pas nier cette fois que de véritables solistes n'auraient pas nui dans certains des airs, le premier air d'alto par exemple, mais l'essentiel est sauf, les interventions de , Vojtěch Semerád ou des deux sopranos ne laissant rien à désirer par rapport à ce que proposent des chanteurs exclusivement solistes. L'évangéliste de est tout autant à son aise, même si on aimerait que l'accompagnement des récitatifs se fasse un peu plus discret pour concentrer l'attention sur le récit au détriment de la partie d'orgue trop présente.

La soirée, donnée sans entracte, s'achève par un retour en arrière de presque 150 ans, avec un motet pascal de : même si ce musicien catholique, actif en Bohême et en Autriche, vient d'un autre monde que Bach, la sobriété saturée d'émotion de cette courte pièce est une admirable conclusion pour cette Passion de haut vol.

Crédits photographiques : © Marco Borrelli

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