La Romance pour violon et orchestre correspond fréquemment à un moment de pause ou de relaxation que s'accordent de grands créateurs. Le plus souvent elles n'atteignent pas la profondeur d'inspiration ou l'ampleur d'originalité qui aident à caractériser les plus grands compositeurs et leurs chefs-d'œuvre incontestables mais offrent volontiers une décompression élégiaque, sensuelle, simple le plus souvent, mais riche d'un savoir-faire apte à charmer les diverses familles d'auditeurs.
Après Beethoven, Hector Berlioz (1803-1869) s'appuie sur des thèmes écartés de son opéra Benvenuto Cellini écrit au début de l'année 1838 pour en extraire Rêverie et Caprice en 1842. L'œuvre dure une huitaine de minutes au cours desquelles le compositeur suit un programme précis et la qualifie de romance. L'œuvre est créée lors du deuxième concert Berlioz à Paris le 1er février 1842 et sera donnée ensuite à Bruxelles, Leipzig, Hanovre et Saint-Pétersbourg. Rêverie et Caprice (op. 8) est une transcription du premier air de Thérésa : « Ah ! que l'amour une fois dans le cœur ». La première partie est caractérisée par deux sections contrastantes entre la douceur de l'Adagio et le pointu de Allegro vivace marqué par de vifs rebondissements. La seconde partie s'appuie sur le bel canto et offre un mélange savant, délicat et raffiné de la première. L'ensemble de la partition porte en sous-titre « Romance », allusion à peine masquée aux musiques éponymes de Beethoven. L'ensemble dégage une aura de sensualité avec sa tonalité sombre et sa dynamique ambitieuse, son climat nocturne, pour prendre fin dans un diminuendo soumis.
Conseils d'écoute : Arthur Grumiaux (violon), New Philhamonia Orchestra, dir. Sir Colin Davis, Philips ; Patrice Fontanarosa (violon), Berliner Sinfonie-Orchester, dir. Michael Schønwandt, 1995, EMI Classics CD ; Josef Suk (violon), Prague Symphony Orchestra, dir. Václav Smetácčk, Supraphon (et vidéo) : Sayaka Shoji (violon), BBC Symphony Orchestra, dir. Yutaka Sado (vidéo)
Le compositeur allemand Carl Reinecke (1824-1910), très célèbre de son vivant pour ses activités de pédagogue au prestigieux Conservatoire de Leipzig, aura parmi ses très nombreux élèves Edvard Grieg, Christian Sinding, Johan Svendsen, Max Bruch… Il rencontre et se rapproche de Robert Schumann, Felix Mendelssohn et Franz Liszt. Compositeur pourtant talentueux, il s'efface devant ses illustres contemporains. Sa Romance pour violon et orchestre en la mineur, son op. 155, date de 1879 et se positionne parmi les plus belles de sa catégorie. Bavarde certes mais sans cesse en éveil positif, elle charme par son allant permanent et sa science délicate de la variation, sa capacité à maintenir l'attention de l'auditeur tout en évitant de verser vers le larmoiement ou la déréliction.
Conseils d'écoute : Ingolf Turban (violon), Berner Symphonie-Orchester, dir. Johannes Moesus, CPO (et vidéo)
Violoniste et compositeur austro-hongrois, Joseph Joachim (1831-1907), un proche de Johannes Brahms, est reconnu unanimement comme l'un des plus fameux violonistes du XIXe siècle. Son catalogue contient deux Romances pour violon et piano : une en si bémol majeur, l'autre en do majeur (1894). Il ne semble pas exister de version pour violon et orchestre. Elles expriment une forme de virtuosité brillante peu en phase avec une authentique pensée romantique.
La Romance en ut majeur, op. 48 de Camille Saint-Saëns (1835-1921) date de 1874. Elle dure environ 6 minutes. Elle enrichit un immense catalogue jonché de chefs-d'œuvre impérissables. Elle délivre un charme mélodique certain et réserve à l'orchestre un discours limpide. La Romance brille par une grande clarté des intentions, des plans rythmiques vigoureux et des précisions mélodiques sans se décider à exposer franchement une volonté caressante ou passionnée.
Conseils d'écoute : Patrice Fontanarosa (violon), Berliner Sinfonie-Orchester, dir. Michael Schønwandt, 1995, EMI Classics CD ; Irma Huvet (violon), Strauss Chamber Orchestra, dir. Horst Sohm (vidéo) ; Ulf Hoelscher (violon), New Philharmonia Orchestra, dir. Pierre Dervaux (CD Werner Classics et vidéo)
Max Bruch (1838-1920), pédagogue, compositeur et chef d'orchestre allemand, père du fameux Kol Nidrei pour violoncelle, harpe et orchestre (1880-1881) et de trois Concertos pour violon et orchestre (n° 1, op. 26, 1865-1867 ; n° 2, op. 44, 1877 ; n° 3, op. 58, 1890-1891) merveilleusement inspirés. Sa Romance en la mineur, op. 42, date de 1874. Elle devait primitivement être le premier mouvement d'un deuxième concerto pour violon mais ne pouvant l'achever, il décida d'en faire une pièce de concert qu'il dédia au violoniste Robert Heckmann. Sa partition est notée Andante sostenuto et dure un peu plus de 10 minutes. L'orchestre fait appel à 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 2 trompettes, 4 cors, des timbales et des cordes. Il confie au violon un caractère nébuleux et des traits mélancoliques que l'on a pu rapprocher de sa Fantaisie écossaise pour violon, orchestre et harpe (1880).
Conseils d'écoute : Patrice Fontanarosa (violon), Berliner Sinfonie-Orchester, dir. Michael Schønwandt, 1995, EMI Classics CD ; Salvator Accardo (violon) Gewandhaus Orchestra, Leipzig, dir. Kurt Masur (Philips et vidéo) ; Jack Liebeck (violon), BBC Scottish Symphony Orchestra, dir. Martyn Brabbins, Hyperion (et vidéos)
Le romantisme mélancolique du Russe Piotr Illich Tchaïkovski (1840-1893) signe nombre de ses musiques. De même, dans le registre qui nous intéresse ici, la Sérénade mélancolique en si mineur, op. 26, composée juste après le fameux Concerto pour violon et orchestre n° 1 de 1875, ne répond que partiellement à ses choix et en définitive ne communique guère le sentiment de tristesse. Durée : environ 8 minutes. Souvenir d'un lieu cher (une dizaine de minutes) évoque la propriété de Braïlov en Ukraine, que sa mécène Mme von Meck avait mise à la disposition du compositeur. Souvenir d'un lieu cher constitue un remerciement sous forme de « méditation » toutefois dépourvue d'authentique émotion. L'orchestration serait due à Glazounov, elle accentue semble-t-il l'aspect morbide de Tchaïkovsky.
Conseils d'écoute : Patrice Fontanarosa (violon), Berliner Sinfonie-Orchester, dir. Michael Schønwandt, 1995, EMI Classics CD ; Gil Shaham (violon), Orpheus Orchestra, 1995, DG (et vidéo)
Violoniste, compositeur et chef d'orchestre réputé de nationalité norvégienne, Johan Svendsen (1840-1911), proche ami de Edvard Grieg et maître de Carl Nielsen, laisse un catalogue relativement réduit mais de haute qualité, riche entre autres de deux symphonies et de pièces de musique de chambre (Quatuor à cordes, Quintette à cordes, Octuor à cordes…). Son œuvre la plus célèbre et la plus souvent jouée est la Romance en sol majeur, op. 26 pour violon et orchestre (7'). Alors qu'il attendait vainement une élève chez le marchand de musique et éditeur C.J. Warmuth, il se souvint que ce dernier lui demandait sans succès depuis un certain temps d'écrire quelque chose pour violon et orchestre. L'inspiration le saisit et il se hâta d'esquisser une mélodie et acheva sa partition dès le lendemain. La Romance op. 26 était prête. Nous étions en 1881. Elle fut rééditée soixante-huit fois de son vivant ! Mais ce franc succès ne lui rapporta guère d'argent.
Le compositeur fait alterner subtilement des passages lents et rapides tout en confiant au violon le meilleur de lui-même en exploitant une courte phrase marquante tout en évitant les épanchements excessifs. La touche mélancolique qu'il véhicule demeure à distance de toute amertume excessive. On perçoit à travers un caractère rustique les marques pas si lointaines d'un Gade ou d'un Grieg.
Conseils d'écoute : Gil Shaham (violon), Orpheus Orchestra, 1995, DG (et vidéo) ; Henning Kraggerud (violon), Rosør Festival String, dir. Lars Anders omter, Simax ; Marianne Thorsen (violon), Stavanger Symphony Orchesra, dir. Grant Llewellyn, Chatsworth ; Marianne Thorsen (violon), Bergen Philharmonic Orchestra, dir. Neeme Järvi, Chandos… Ekka Kuusisto (violon) et direction, Norwegian Chamber Orchestra, 2020 (vidéo) ; Miroslav Veselka (violon), Orchestre of Charles University in Prague, dir. Katerina Mañasova (2022) (vidéo)
La Romance en fa mineur op. 11 d'Antonin Dvořák (1841-1905) peut paraître d'une grande simplicité mais on sait que le compositeur eut du mal à en venir à bout. La ligne mélodique qui la structure se trouve dans un Quatuor à cordes n° 5 en fa mineur, une pièce de relative jeunesse (32 ans) écrite en 1873, se trouvant dans son mouvement lent. Le quatuor en question ne fut jamais joué du vivant du compositeur. Dvořák n'oublia pas la section Andantino et la retravailla en 1877 pour violon et piano. Il composa également l'accompagnement orchestral que l'on connaît. Elle dure environ 12 minutes. Cette Romance verra le jour à Prague en décembre 1877. Une atmosphère recueillie domine et le violon joue une partie très bien structurée mais pas franchement romantique ni mélancolique. Il développe un trajet riche et actif, un rien sérieux, mais évite toute démonstration virtuose tandis que les pupitres de l'orchestre manifestent une grande présence et une activité soutenue sans volonté d'hégémonie. La longue ligne mélodique du soliste revient à plusieurs reprises sans grandes modifications mais s'active quelque peu à trois minutes de la fin et laisse percevoir alors un climat tchèque discrètement esquissé.
Conseils d'écoute : Patrice Fontanarosa (violon), Berliner Sinfonie-Orchester, dir. Michael Schønwandt, 1995, EMI Classics CD ; Gil Shaham (violon), Orpheus Orchestra, 1995, DG (et vidéo) ; Tanla Sonc (violon), Slovanian Philharmonic, dir. Keri-Lynn Wilson (vidéo) ; Isaac Stern (violon), Philharmonia Orchestra, dir. Eugene Ormandy (vidéo)
Pablo de Sarasate (1844-1908), immense violoniste virtuose espagnol, laisse des partitions brillantes destinées à son instrument. Appartenant au recueil des Danses espagnoles, on retiendra sa Romanza Andaluza, op. 22 n° 1 (orchestration réalisée par Otto Hohn). Il semble que son instrument évoque manifestement la voix humaine. Durée : 5 minutes approximativement. L'Espagne imprègne l'atmosphère de cette pièce de façon plus insistante grâce à l'orchestration qui en accentue, sans excès, les origines. Le violon chaleureux passe des sections quasi dansantes aux pages moins géographiques donc plus universelles.
Conseils d'écoute : Gil Shaham (violon), Orpheus Orchestra, 1995, DG (et vidéo)
Pour illustrer musicalement ces Romances pour violon et orchestre, la discographie suggérée mais aussi les vidéos YouTube choisies offrent un choix très confortable et non exhaustif d'interprétations d'accès aisé pour faciliter la (re)découverte d'un catalogue agréable, souvent apaisant, presque toujours sentimental, justifiant une fréquentation renouvelée.