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Symphonie fantastique et Lélio par Le Balcon : À la Vie !

À l'instar de Berlioz qui, en 1832, donna avec Lélio, ou le Retour à la vie une suite à  sa Symphonie fantastique, Épisode de la vie d'un artiste de 1830, donne à son tour une suite à sa Fantastique de 2013.

Presque dix ans que l'on a eu la chance d'être des premiers auditeurs de la fantastique Fantastique que Bruno Messina avait commandée au Balcon de , pour lequel le très jeune avait déjà arrangé Debussy et Fauré. Il était logique que le directeur du Festival Berlioz, décidément intarissable en matière de passion berliozienne, eût envie de prolonger cette impressionnante réussite par Lélio, monodrame lyrique narcissique malheureux, resté sans postérité, mais tellement cher au cœur des berlioziens, heureux de se voir convier là au plus intime de leur héros.

La première bonne idée de la soirée, une des plus alléchantes de l'édition 2025, intitulée A la vie! A la mort!, est de redonner une nouvelle visibilité à cette Fantastique créée en 2013, redonnée en 2016 dans le plein air du Château de Sassenage pour la faire découvrir à de nouveaux auditeurs, les autres ne se lassant pas de sa folle inventivité. On se demande encore comment les « esprits routiniers » dont parle Messina (et Berlioz) peuvent encore rester sourds à cette déclaration d'amour adressée à une œuvre qui a toujours réussi à infiltrer jusqu'aux discothèques les plus chiches. Pas, on l'espère, au nom du soi-disant sacrilège de revisiter un chef-d'œuvre, Berlioz ne s'étant pas privé de le faire avec Gluck que pourtant il révérait. Même avec une seule vingtaine d'instrumentistes (dont piano, synthétiseur, guitare électrique et vrai cor des Alpes) la Fantastique est belle et bien toute là, parvenant à être « la même et une autre à la fois ».

Jubilatoire lecture entre les lignes de Rêveries-Passions exposant les enjeux du nouvel instrumentarium (agrémenté ce 30 août par les ingés-son du Balcon d'un malicieux clin d'œil à la météo du moment avec pluie et tonnerre plus vrais que nature), d'un Bal convoquant tous les sens de la fête de par le monde, d'une Scène aux champs presque plus spectaculaire que l'original, d'une Marche au supplice confiée à une harmonie (aujourd'hui l'Ensemble Harmonique Vinoise) déboulant du haut des gradins (dont la stéréophonie fait surtout son plein effet dans les oreilles privilégiées du carré central), d'un Songe d'une nuit de sabbat véritablement d'enfer, cette Fantastique est assurément une des plus belles mariées musicales qui se puisse rêver. Elle est pour l'heure indissociable de l'étonnante direction de , dont le corps frôle la désarticulation, ployé comme celui d'une marionnette manipulée par un démiurge invisible au moindre affect orchestral, avant de finir essoré sous les ovations debout d'un auditoire apparemment déserté par les « esprits routiniers ».

Le nouveau Lélio reçoit un accueil plus mitigé

Lélio, ou le Retour à la vie narre comment l'amoureux transi réchappé in extremis du chaudron des affres de la passion mis en musique par le menu dans la Symphonie fantastique, tente de revenir à la vie. Quel meilleur moyen pour cela que l'indéfectibilité de l'Art ? D'autant que le jeune Hector (27 ans au moment de la Fantastique) a encore dans ses cartons un bouquet de pièces dormantes ou ayant rebuté plus d'un jury.

Des craquements d'un microsillon (celui d'une des rares versions discographiques de Lélio : Martinon, Boulez ?) surgit la voix du ténor sur la Ballade de Goethe : ni Charles Burles ni Jean-Louis Barrault, il s'agit de , un des solistes de la soirée, dont la voix off assurée et solaire s'élève en direct, accompagnée par le piano de Bianca Chillemi. Par la suite, , quelques soulignements électroniques mis à part, sera moins inspiré que sur la Fantastique, son apport se résumant globalement à une réécriture a minima pour petit ensemble (l'effectif du Balcon) d'une œuvre dont la plupart des six numéros s'adressent au grand orchestre. Même si on soupçonne la nouvelle orchestration de révéler des fragrances troyennes en devenir sur la Fantaisie sur la Tempête de Shakespeare, la partition est de fait donnée telle quelle.

Les numéros de Lélio sont rendus avec l'aplomb nécessaire par les six jeunes chanteurs réunis par : le Chant de bonheur est confié au soprano délicat bien qu'un brin tendu de . Mais c'est le comédien Thibaut Thézan qui retient le plus l'attention en Lélio dans une mise en espace sommaire (avec instrumentistes, chœur, chef, et même bénévoles du festival apparaissant comme des songes autour d'un Berlioz surgi de l'obscurité) tandis qu'on imagine qu'une vidéo aurait pu être l'alliée providentielle d'une œuvre n'ayant, ce soir encore, toujours pas fait l'unanimité.

Crédits photographiques : © Bruno Moussier / Festival Berlioz

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