Avec À l'ombre d'un vaste détail, hors tempête, créé à la Maison de la danse dans le cadre de la Biennale de la danse de Lyon, avant sa reprise à la MC93 pour le programme Plan D du CND, Christian Rizzo se lance, pour la première fois dans son parcours, dans un mariage des gestes et des mots.
Le chorégraphe Christian Rizzo retrouve sa compagnie Association fragile pour une nouvelle création détachée du Centre chorégraphique national de Montpellier dont il a quitté la tête après dix ans de direction. Il est artiste résident pour la saison du Centre national de la danse. Après cette création les 16 et 17 septembre dans le cadre de la Biennale de la danse de Lyon, sa nouvelle pièce sera accueillie au Festival d'automne à la MC93 de Bobigny en novembre prochain.
Christian Rizzo nous a habitués à décadrer chacune de ses chorégraphies en nous emmenant là où on ne l'attend pas forcément. Pour cette création au titre programmatique, il qualifie sa proposition comme « la pièce de ses 60 ans ». Est-ce l'âge, ou sa vie aujourd'hui dans les montagnes pyrénéennes, qui l'ont amené à demander aux sept danseurs une approche de gestes quotidiens, apaisés, doux et attentifs les uns pour les autres ? Hors tempête, en somme. Nouveaux venus ou anciens complices, Christian Rizzo s'entoure pour l'essentiel de son équipe fidèle, Pénélope Michel et Nicolas Devos qui collaborent avec le chorégraphe depuis Ad noctum, pour la musique et Caty Olive, qui l'accompagne depuis ses premiers pas de chorégraphe, pour la lumière.
Sur un plateau nu, au tapis de danse clair, une petite lumière clignote au loin. Les danseurs gagnent l'espace, se tenant par la main, par les épaules. La musique de Pénélope Michel et Nicolas Devos entièrement jouée à l'orgue se développe à la façon des boucles enveloppantes des compositions répétitives rappelant celles de Philip Glass. Mais au-delà des gestes et du plateau nu, un autre univers se met en place. Un texte est projeté tout au long de la pièce. Christian Rizzo a fait appel à l'écrivaine Célia Houdard pour un texte à la fois descriptif et poétique. Les phrases s'égrènent au fil de l'évolution des danseurs. Elles dressent un cadre, un décor mental. Elles racontent un autre moment, que l'on peut imaginer en montagne, sur une terrasse, à la tombée de la nuit. Des bougies s'allument.
L'éclairage sur le plateau suit cette atmosphère. Les lumières de Caty Olive sur scène relaient ce vacillement des flammes de bougies. Le risque, à ce moment de mise en place de la mécanique, texte-danse, aurait été de venir illustrer le propos écrit. Mais chacun va se développer en parallèle, obligeant l'œil du spectateur à passer sans cesse du sur-texte à la scène, le privant d'une constance de regard sur les danseurs. Il ne peut se laisser emporter par la continuité de gestes des interprètes, sollicité par la lecture du texte, un peu surabondant de Célia Houdart. L'attention ne peut se relâcher dans la douceur de l'atmosphère face à la quantité de sollicitations.
La narration écrite évoque des lieux, des états, « une page non encore noircie » mais qui s'écrit. Les évolutions des danseurs inscrivent leurs mouvements dans des instants suspendus, comme des invitations à l'autre. Le concret des gestes simples développe la puissance poétique. Bras tendus les uns vers les autres, légers portés, rondeurs des déplacements.
Christian Rizzo continue ainsi à écrire son journal chorégraphique. Il nous donne des nouvelles de son état, aux airs un rien contemplatifs, ou tout au moins à distance du bruit du monde. Là où le murmure des gestes du quotidien prend toute sa place. Cela fait du bien.
Crédits photographiques : © Marc Domage
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