Jouée en version scénique dans la grande Salle du Palais, Lady Macbeth de Mtsensk de Chostakovitch profite de Kristine Opolais dans le rôle-titre, cette tragédie russe étant suivie tard le soir par un programme américain, duquel ressort le mystérieux Concerto pour violon de Barber.
Apparue à plusieurs reprises en Lady Macbeth de Mtsensk ces dernières années, notamment avec Andris Nelsons avec lequel elle a enregistré l'œuvre pour Deutsche Grammophon, Kristine Opolais devait retrouver à Bucarest Pavel Černoch, présent face à elle sur la scène de Leipzig au printemps dernier. Mais sans qu'aucune annonce ne nous y prépare, c'est un autre ténor qui entre en scène pour Sergei, en la personne de Sergey Polyakov.
À entendre bientôt à Lyon dans la nouvelle production de Boris Godounov, le Russe est loin de démériter dans le rôle de l'amant, d'autant qu'il possède parfaitement l'idiome du livret, co-écrit par Chostakovitch et Alexander Preis. Arrivé au dernier moment pour cette représentation et moins enjôleur qu'un Černoch, il ramène cependant plus son personnage vers ce qu'il est dans la nouvelle de Leskov : un homme de village. En face, Opolais possède un côté plus « diva », d'autant qu'elle ne quitte jamais un grand manteau coloré, là où presque tous les autres protagonistes apparaissent devant l'orchestre en habits noirs.
Si la proposition maintient, comme dans Otello dirigé deux ans plus tôt par Zubin Mehta, l'idée que les chanteurs entrent et sortent en permanence, et peuvent donc bouger devant l'orchestre pour éviter le statisme d'une pure version de concert, il a cette fois été choisi d'ajouter des images pour accompagner le drame musical. Ainsi, des vidéos proches d'un roman photo qui n'est pas sans rappeler le ridicule de Nous Deux singent en permanence l'action, en la transposant dans un décor moderne. Fort heureusement, les chanteurs parviennent souvent à faire oublier les images, et si Kristine Opolais montre un aigu affirmé, Andreas Bauer Kanabas plonge son Boris Timofeevich dans un grave dense, dont on profite à nouveau lorsqu'il réapparaît en fantôme après sa mort, et encore au dernier acte, puisqu'il tient aussi le rôle du vieux bagnard. Cette belle idée lui permet d'accompagner le chœur et de rendre la scène finale encore plus malaisante, par le fait que c'est l'homme assassiné qui hante jusqu'au bout les amants meurtriers.
Des autres rôles, le Zinoviy Borisovich de Vincent Wolfsteiner se démarque bien dans la deuxième partie, de même que les trois ouvriers très bien accordés dans le timbre nasal de Ciprian Mardare, Sergiu Stana, Marius Olteanu. Andrei Popov propose une intervention sans caricature pour l'alcoolique, et Olga Murariu-Caia une prisonnière charmeuse, juste un peu en difficulté pour son troisième cri, tant elle a déjà forcé sur les deux premiers lorsqu'elle est entraînée vers la mort. Plus audible du fond de parterre de la très grande Salle du Palais (Sala Palatului), le Chœur Académique de la Radio (Corul Academic Radio) donne de l'envergure aux scènes de foules et à la noce de l'Acte III. Sous la direction de Giancarlo Guerrero, l'Orchestra Națională Radio accompagne l'action avec parfois de beaux élans. Mais en comparaison des grandes interprétions entendues ces dernières années, et peut-être aussi en partie par l'absence de mise en scène et à cause des images qui n'aident pas à assombrir le drame, les climats sont un peu ternes, tandis que les grands moments manquent souvent de la tension immanente à la partition.
Festival oblige, il faut marcher vite pour réussir à rejoindre ensuite une autre salle, en l'occurrence l'Athénée roumain afin d'assister au concert de 22h30. Arrivé après le début, nous ne pourrons parler d'An Outdoor Overture de Copland, mais avec le Concerto pour violon, op.14 de Barber le Berlin Academic of American Music se trouve totalement dans son élément grâce à un programme parfaitement adapté par le directeur musical, Garrett Keast.
Au violon, la soliste Mihaela Martin n'ajoute aucun aspect sirupeux à une partition de Barber au contraire moderne et plutôt sombre. Les atmosphères mystérieuses recherchées par le compositeur, un peu à la manière de celles qu'il mettra neuf ans plus tard dans sa Sonate pour piano, sont parfaitement reproduites. Trop proche de la musique de film, sans véritable aspérité, Tanyaderas d'Avner Dorman passionne moins ensuite, même si là encore, l'orchestre de chambre se fait remarquer par ses sonorités très adaptées. Les Trois Épisodes de Dance tirés d'On the Town de Bernstein ravivent plus l'attention juste après. Ils préparent bien à Un Américain à Paris, transporté par le clinquant de la trompette solo et la brillance des cors, autant que par le caractère enjoué de l'interprétation globale, d'où les klaxons rappellent la vie au volant de notre capitale française.
Crédits photographiques : © Alex Damian (Lady Macbeth) & Andrada Pavel (Berlin Music)
Modifié le 21/09/25 à 10h
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