La Bourse de Commerce – Pinault collection accueille dans ses murs le premier concert du Festival d'Automne à Paris 2025, conviant le public à une expérience d'écoute singulière unissant en profondeur le son, le geste et la vibration.
Emmené par sa nouvelle directrice artistique Clara Iannotta, le Festival d'Automne consacre un portrait en trois volets du Jack Quartet, phalange new-yorkaise qui fête ses vingt ans. Le premier rendez-vous invite le Jack Quartet et la compositrice Ellen Fullman dans la Rotonde de la Bourse de Commerce. L'espace est luxueux, où l'artiste américaine a tendu les cordes de son « Long String Instrument », des fils de laiton de plus de 15 mètres de long qui occupent tout l'espace de la performance, tendus à hauteur de sa taille et dont elle explore le potentiel sonore depuis quarante ans. Entre installation, performance et composition, Energy Archive 2 concrétise la rencontre de Fullman avec le Jack Quartet. Les quatre musiciens multiplient aujourd'hui les collaborations et les expériences immersives avec des personnalités aussi singulières qu'Ellen Fullman, Natacha Diels ou Georg Friedrich Haas qui sont à l'affiche des prochains concerts du festival.
Avec ses doigts enduits de résine – à l'image de l'archet sur lequel on frotte la colophane – Ellen Fullman va et vient entre les deux faisceaux de fils qu'elle fait résonner, marchant à pas lents ou accélérant son allure (comme la vitesse d'archet sur les instruments), avec plus ou moins de pression sur la corde, selon la qualité du son qu'elle désir obtenir. Concentrée sur la résonance et la propagation des harmoniques qu'elle fait advenir, elle scrute avec minutie l'activité vibratoire des ondes sonores : « Je peux sentir la vibration de la corde dans mon corps, comme un bourdonnement », dit-elle dans l'entretien qu'elle accorde à Laurent Feneyrou. Une couronne de haut-parleurs placés sur le pourtour de la Rotonde apporte l'amplification de la résonance qu'elle appelle de ses vœux.
Le quatuor à cordes est placé à côté du Long String Instrument et à mi-longueur, qui prolonge, diffracte et fait rayonner l'onde sonore provenant des doigts de la performeuse : « Imaginez un point au centre avec des rayons qui en émanent », dit-elle encore. La partition est en notation usuelle mais des flèches en haut et en bas des notes permettent aux interprètes d'affiner les hauteurs selon « l'intonation juste » (celle des partiels naturels du son) que recherche la compositrice. Si cette dernière a mémorisé ses trajectoires, elle a, au sol, des repères (chiffres placés à intervalles réguliers) qui la guident dans son jeu. La résultante sonore des deux partenaires ne va sans frictions et dissonances, le quatuor prenant parfois le dessus, avec de courtes séquences rythmiques ou des sonorités plus nervurées qui, par hybridation, évoquent les mixtures de l'orgue. Il s'émancipe même vers la fin, avec un jeu plus polyphonique, l'apparition des pizzicati et autres figures et courbures mélodiques, laissant apprécier la beauté du son du premier violon Christopher Otto dans les aigus de son registre.
On regrette néanmoins que le confort d'écoute – par manque de coussins, la moitié du public est assis à même le sol ! – n'ait pas été optimal pour vivre pleinement cette « écoute profonde » mobilisant tout à la fois les yeux et les oreilles.
Crédit photographique : © Festival d'Automne ; Schervin Lainez (Jack Quartet)
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