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Programme franco-américano-russe pour la rentrée de l’Orchestre national de Lille

, , … et étaient à l'affiche du concert de rentrée de l'ONL. Un programme passionnant et pas si éclectique qu'il en avait l'air.

Provisoirement « orphelins » de leur magnifique auditorium du Nouveau Siècle pour cause de travaux, l' et son directeur musical jouent les « nomades » pour leur nouvelle saison. C'est ainsi au théâtre du Casino Barrière de Lille que l'ONL a donné son concert de rentrée, un étage au-dessus des machines à sous et des tapis de Blackjack. L'acoustique n'est évidemment pas aussi généreuse que celle du Nouveau Siècle. Mais comme dit le dicton, qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. En l'occurrence un programme savoureux lié par la même fascination du jazz qui lie Ravel, Bernstein, Stravinsky, et bien sûr le chef américain .

Les trois danses pour orchestre extraites de On the Town de , qui ouvrent le concert, sont un condensé de musique américaine. Cette musique effervescente, évocation du New York nocturne et festif, permet à l' de se « lâcher » en toute décontraction. Rythmes frénétiques, cuivres endiablés et final digne de Tex Avery ouvrent le bal d'une soirée placée sous le signe des couleurs orchestrales.

Le Concerto pour la main gauche de qui suit est pourtant d'une toute autre eau. Ce chef-d'œuvre composé par Ravel en 1929 à l'attention du pianiste Paul Wittgenstein, amputé de son bras droit pendant la Première Guerre Mondiale, est une pièce tragique mais traversée par une énergie peu commune, d'où le « swing » n'est pas absent. et l'ONL ont fait appel à l'un de nos plus grands ravéliens actuels, , pour interpréter ce concerto. nous avait récemment subjugué dans une intégrale des pièces pour piano seul de Ravel, déjà proposée à Lille. Dans le Concerto pour la main gauche, nous retrouvons la puissante dynamique de son jeu, ces basses impressionnantes qui semblent traverser l'espace de la salle, impeccablement suivi par la direction précise de Joshua Weilerstein, l'orchestre voguant du magma à la houle dans un même mouvement. Mais, paradoxalement, il manque un soupçon de tragique pour totalement nous emporter dans cette course à l'abîme ultime. La faute sans doute à l'acoustique très mate de la salle qui écrase les différents plans sonores. Il n'en reste pas moins que le Concerto pour la main gauche reste une œuvre prodigieuse dont l'impact est toujours aussi fort.

Changement complet d'ambiance en deuxième partie du concert. Tout d'abord avec le savoureux Harlem de . Le grand jazzman a composé cette pièce en 1950 à la demande du chef d'orchestre Arturo Toscanini. L'occasion à l'époque d'associer son propre big band de jazz à un orchestre symphonique. Il en résulte une stimulante fusion des genres, trompettes bouchées, saxophones langoureux et percussions cubaines s'acoquinant avec joie avec les effusions plus classiques des cordes. Joshua Weilerstein et l' semblent beaucoup s'amuser dans cette pièce revigorante.

Enchaîner avec la suite pour orchestre de L'Oiseau de feu d' peut paraître incongru. Il n'en est rien. On y retrouve le même amour des couleurs orchestrales, une vraie science du rythme et des harmonies audacieuses qui ont fasciné bien des jazzmen. En amoureux de la musique russe, Joshua Weilerstein saisit toutes les nuances de ce premier chef-d'œuvre d' (composé à l'âge de 27 ans), encore très influencé par son maître Rimski-Korsakov. Cordes soyeuses et mystérieuses de l'Introduction, bois précis de la Ronde des princesses, percussions rageuses de la Danse infernale du roi Kastcheï : chaque épisode du ballet est l'occasion de mettre en valeur l'excellence des différents pupitres de l'orchestre. Joshua Weilerstein confirme sa maîtrise des couleurs dans le répertoire français et russe. Nous sommes impatients de l'entendre prochainement justement dans Rimski-Korsakov et Chostakovitch.

Crédit photographique : @ Ugo Ponte

 

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