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À Montpellier, Sharon Eyal retient un cri de douleur dans Delay The Sadness

La chorégraphe israélienne , installée désormais en France avec sa compagnie S-E-D, a choisi le public de Montpellier, avec lequel elle a noué depuis longtemps une vraie relation affective, pour la première française de sa nouvelle pièce Delay the Sadness, qui sera accueillie à La Villette de fin novembre à début décembre.

Après avoir créé à Montpellier une trilogie explorant le sentiment amoureux, la chorégraphe dévoile une expérience personnelle douloureuse avant de la transformer en une œuvre universelle. La pièce est dédiée à sa mère, décédée cette année. La chorégraphe, accompagnée de son complice de longue date , aborde cette peine progressivement. À l'entrée des huit danseurs sur la scène du Domaine d'O qui accueille avec l'Agora danse Montpellier le spectacle, le rythme semble léger. Une valse, dans l'esprit de celle de Chostakovitch, entraîne quatre garçons et quatre filles dans un jeu cadencé. La musique est composée par .

développe son vocabulaire de corps cambrés à l'extrême, sur demi-pointes. Le geste est retenu, saccadé. Les mains jouent un grand rôle dans ce qui semble se gripper au fil du temps. Bras tendus, index dressés, mains portées à la bouche ouverte. Ces mains racontent, agissent. Elles répriment un cri qui se dessine sur les visages des danseuses, venant cacher les bouches ouvertes. Mais les regards des danseurs ne se portent pas vers le public. Les interprètes regardent le sol, puis leurs yeux se perdent au loin, comme s'ils s'adressaient à eux-mêmes. Il s'agit d'une danse intériorisée. fait jaillir par les corps de ses interprètes leurs pensées, leurs états d'âme. Et l'on ne peut qu'être touché par cette danse au cordeau. Au fil du temps, elle resserre habilement son focus sur l'un ou l'autre des interprètes. Les duos se succèdent. La musique devient une pulsation. Femmes cambrées aux visages de douleur accompagnées par des hommes empathiques. Les pas de deux sont ralentis à l'extrême. La chorégraphe joue là d'une grande subtilité. Comme souvent, Sharon Eyal et Gai Behar ont choisi des justaucorps couleur chair qui dessinent parfaitement les attitudes des danseurs. Mais en y regardant de plus près, une ligne court le long de leurs torses. Comme une faille que l'on retrouve dans le marbre des statues.

La sophistication et le formalisme de la danse de Delay the Sadness auraient pu faire craindre une certaine froideur et mise à distance du public. Mais la puissance des gestes et la rigueur de la chorégraphie donnent une résonnance à la douleur, d'une grande pudeur. Elle donne à chacun d'entre nous matière à réflexion et à introspection sur nos vulnérabilités, avec force et énergie, comme celle du public debout au moment où le rideau se referme sur les danseurs encore en action.

Crédit photographiques : © Vitali Akimov

 

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