- ResMusica - https://www.resmusica.com -

À Metz, David Reiland donne toute sa force à Elektra

Dominée par , une distribution de grande qualité ouvre « hors les murs » la saison 2025-2026 de l'Opéra-Théâtre de l'Eurométropole de Metz. À la tête de l', livre une formidable lecture du chef d'œuvre de Strauss.

En raison de longs travaux prévus à son Opéra-Théâtre pour une durée prévisionnelle de 26 mois, l'Eurométropole de Metz est à la recherche de nouveaux espaces pour les deux saisons lyriques à venir. La Cathédrale Saint-Étienne, la Boite à musique, l'église Saint-Pierre aux Nonnains, le NEC de Marly… font partie des lieux retenus cette année afin de compenser la fermeture du beau théâtre de la Place de la Comédie construit entre 1732 et 1752. On se souvient en juin dernier de l'Aida donnée dans le grand stade de foot Saint-Symphorien. Pour son lancement de saison, avec l'Elektra de , c'est l'Arsenal Jean-Marie Rausch qui a été retenu, en raison de sa fabuleuse acoustique mais également pour sa capacité en sièges, apte avec ses 1356 places à contenir en deux soirées la jauge normalement prévue pour trois représentations. Le choix de la version de concert facilite forcément l'entreprise, même s'il faut trouver des stratégies pour compenser l'absence de décors, de costumes et d'action scénique. En effet, point de mise en espace pour cette Elektra, si ce n'est la présence d'un plateau fait de praticables sur lequel évoluent les chanteurs. Certains, familiers de leur rôle, parviennent à jouer sans recours à la partition et en faisant leur propre mise en scène. Les éclairages de Patrick Méeüs contribuent, et avec quelle efficacité, à la création d'effets et d'ambiances, avec des couleurs froides pour le début, pour se poursuivre avec des lumières plus solaires au moment de la reconnaissance d'Oreste et enfin des rouges incandescents pour la scène finale. La présence, des sous-titres est d'une aide capitale, même si l'on peut s'étonner du recours à une traduction plus qu'hasardeuse, vraisemblablement générée par quelque intelligence artificielle, et surtout à une orthographe pour le moins « lunaire »…

La distribution, de la plus grande qualité, est très largement dominée par la présence imposante de la grande soprano russe . Chantant par cœur un rôle qu'elle a déjà beaucoup chanté sur les plus grandes scènes, elle incarne visuellement et vocalement ce rôle impossible. Dotée d'un ample soprano dramatique dont le métal pourrait aller jusqu'à évoquer celui autrefois de l'immense Birgit Nilsson, elle domine sans problème (hormis quelques aigus émis un peu bas) une orchestration exceptionnellement chargée, tout en faisant valoir dans son chant et sur son visage toutes les émotions ressenties par un personnage complexe entre tous. Face à elle, Hedwig Haugerud, entendue à Metz en Salomé il y a peu de temps, est une Chrysothémis à la fois puissante et fraîche, dotée d'un large soprano aux sonorités encore juvéniles et dont seules les notes les plus hautes sont émises avec une certaine stridence. On découvre en Clytemnestre la mezzo espagnole , à l'instrument chaud, puissant et expressif, impressionnante dans la grande confrontation avec Electre dont elle fait sortir le texte avec force et conviction. Tout aussi convaincant est le ténor lituanien , véritable Heldentenor ayant toujours à sa disposition de réels moyens vocaux qui lui permettent en quelques instants de composer un personnage haut en couleurs, presque touchant dans sa chute et dans sa déchéance morale. Très belle prestation également du baryton allemand , émouvant Oreste disposant d'un bel instrument et d'une impressionnante palette de couleurs vocales qui en font très certainement un interprète raffiné du répertoire de lieder. On notera également l'homogénéité et la remarquable qualité de tous les petits rôles, avec notamment d'impressionnantes suivantes pour la première scène de l'opéra. Certains de ces rôles dits secondaires sont confiés aux choristes de la maison, ce qui en dit long de la qualité de la troupe.

Autre source de bonheur, la prestation de l', qu'on se réjouit d'entendre interpréter un opéra dans un lieu à l'acoustique aussi favorable. Installés sur le plateau dès l'ouverture de la salle, les musiciens s'emparent à bras le corps d'une partition d'une infinie richesse dont ils font sortir à la fois la terrible violence – les cuivres ! – mais également la profonde humanité. Quel bonheur d'entendre les vents de manière aussi structurée. Visiblement dans son élément, insuffle toute son énergie à ses instrumentistes pour une lecture d'une grande cohérence qui donne toute sa force à l'un des grands chefs d'œuvre lyrique du début du XXᵉ siècle.

Crédit photographique : © Philippe Gisselbrecht – Opéra-Théâtre de l'Eurométropole de Metz

(Visited 445 times, 1 visits today)
Partager