Le ténor britannique, « spécialiste » de Schubert, expérimente une interprétation scénographiée du Voyage d'hiver, sans véritable intérêt.
Habité par cette œuvre fascinante qu'il possède à fond, Ian Bostridge s'associe pour cette tentative à la metteuse en scène Deborah Warner, Julius Drake l'accompagnant au piano. Le pari de cette première française est osé : (re)découvrir le Winterreise sous un autre angle grâce à une mise en scène faisant percevoir les détails de l'œuvre. Malheureusement, on assiste davantage à un bel exercice de style, qui tourne à vide une fois que notre Wanderer a arpenté en tous sens la scène de l'Athénée.
En soi, la mise en scène minimaliste en noir et blanc de Deborah Warner correspond à l'esprit du Voyage : dépouillement et renoncement sont au cœur des vers de Wilhelm Müller. Elle n'apporte cependant pas de supplément d'âme, mais une incarnation nécessairement réductrice, plaquée sur un imaginaire qui laissait entrevoir de plus vastes horizons. C'est là sans doute que le parti pris de l'adaptation scénique, considérant qu'il est possible d'aller au-delà de l'œuvre de Schubert, est le plus contestable. Comme si la partition ne se suffisait pas à elle-même et que sa signification, trop inaccessible à nos oreilles, méritait d'être exposée sous nos yeux. D'autant que le texte est transposé sur scène quasi-littéralement et accompagné, pour plus d'explicite encore, de sur-titres (d'une grande pauvreté) qui achèvent de détourner l'attention de l'essentiel.
Musicalement, on apprécie le timbre de Bostridge, qui prend une belle patine à 60 ans. Son aisance vocale reste certaine. Assis, accroupis, couché, il projette chaque Lied avec une réelle force d'émotion. La théâtralisation de l'œuvre n'est pas sans incidence toutefois sur son interprétation, qui s'en ressent avec quelques pointes d'exagération vocale. Julius Drake s'en tire bien, malgré quelques imprécisions : son accompagnement est à la bonne distance et s'accorde naturellement avec Ian Bostridge.
En dépit de ces qualités d'interprétation, la proposition ne convainc pas. Quitte à s'abstraire de l'autonomie de l'œuvre de Schubert, on préfère dans un autre genre la version ballet de belle mémoire qu'a pu en proposer Angelin Preljocaj (Angelin Preljocaj sublime le Winterreise de Schubert). Mais la représentation donne surtout envie de se replonger dans les enregistrements de Ian Bostridge, notamment son Winterreise avec Leif Ove Andsnes (EMI Classics, 2004).
Crédits photographiques : © Stéphane Lagoutte / Théâtre de l'Athénée
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