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Strasbourg en Italie avec Aziz Shokhakimov

Pour deux soirs à Strasbourg, dirige son orchestre dans une Italienne de Mendelssohn vive et frétillante, avant une Messa di Gloria de Puccini superbement chantée par le chœur et les solistes.

Peut-être encore plus que pour la 7e Symphonie de Beethoven, la 4e de Mendelssohn nécessite de la part du chef des bras et une précision du rythme à toute épreuve, si celui-ci veut dynamiser comme il le faut la partition sans jamais perdre ses musiciens. Assurément, le jeune possède ces attributs, en plus de répondre bien présent depuis qu'il a pris les rênes de l', là où d'autres se sont récemment brûlé les ailes à vouloir prendre trop vite des postes de directeurs musicaux.

Plein d'allant, avec de petits éclairages toujours clairement exprimés du geste et parfaitement retranscrits par l', l'Allegro Vivace de l‘ »Italienne » frétille et ne laisse regretter que le manque d'échauffement du cor solo, qui rate son entrée le deuxième soir. Heureusement, la petite harmonie et plus particulièrement les flûtes sont aussi vives que les violons, tous bien soutenus par les graves souples des violoncelles et contrebasses. D'un grand naturel, dans une continuité du geste musical évident alors qu'on entend certaines phrases de manière inédite sous la battue du chef, le premier mouvement se développe avec légèreté et fluidité. L'Andante con moto suit la même dynamique, parfaitement rythmé par les contrepoints des cordes graves, d'une rigueur rythmique impeccable malgré le geste très libre de Shokhakimov. N'hésitant pas à enrober ses mouvements, il exprime les penchants las par un haussement d'épaules retranscrits en musique avec évidence par l'orchestre, puis renforce l'émotion par une élévation de la main gauche, avec pour résultat un son plus dense et recueilli. Le troisième mouvement aurait pu trouver plus de vigueur de la part de certains musiciens, dont les trompettes et les cors, mais permet d'en garder pour le Saltarello. Joué presto comme attendu, celui-ci retrouve l'énergie du premier mouvement aux cordes, toujours parfaitement encadrées par le chef, qui profite à nouveau de sa petite harmonie.

La seconde partie nous laisse en Italie, cette fois avec une œuvre créée là-bas, même si cette unique messe de Puccini, aujourd'hui appelée Messa di Gloria, n'a été jouée qu'une fois en 1880 à Lucques, avant de réapparaître 65 ans plus tard pour être finalement reprise à Chicago en 1952. À Strasbourg en cette fin d'année, l'introduction met en avant le prisme transalpin de Shokhakimov, très à l'aise dans ce répertoire. L'orchestre renforcé par des trombones éblouissants est accompagné par le , à quatre voix et parfaitement préparé par la cheffe Catherine Bolzinger. Dès le Kyrie Eleison, le caractère mystique ressort du chant, malgré la scène dénuée de religiosité du Palais de la Musique et des Congrès. Toujours d'une grande souplesse, le chef se montre aussi clair envers les instrumentistes que les choristes, puis profite de ses deux excellents solistes. Premier à se lever, le ténor sud-africain – de l'Ensemble du Staatsoper Berlin – intervient après un énergique Laudamus te du chœur pour déployer son magnifique timbre dans le Gratias agimus tibi. Puissant par la projection comme par l'émotion, il est encore plus touchant dans l'Et incarnatus est du Credo. Comme presque toujours dans cette œuvre, le baryton tient aussi le rôle de la basse du début, et peut maintenir une belle ampleur de graves dans sa première intervention comme au Benedictus, avant un Agnus Dei dont le directeur musical maintient très bien la douceur.

Après plus de 30 secondes de silence, le public parfois bruyant entre les mouvements peut enfin laisser parler librement sa joie, au point que le chef et les solistes reprennent leur place pour un bis, quelque peu décalé après la messe, mais véritable pendant par le fait qu'il a lui aussi été écrit en 1880. Créé à l'occasion de l'inauguration du funiculaire du Vésuve à Naples, Funiculì funiculà de Denza ravive les forces en présence et fait participer le public en le faisant applaudir en rythme. Et si nous nous disions en début de concert qu' est un chef complet, le fait qu'il tienne la partie de tambourin et chante la troisième voix dans cette œuvre le confirme certainement encore plus !

Crédits photographiques : © David Amiot

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