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Une monographie de Jean-Marc Singier sous le label de Florent Jodelet

Ce disque monographique du compositeur est le premier titre du nouveau Label MPLS fondé par , éminent percussionniste et soliste de l'. Un label interprète aime-t-il à dire, qui prolonge son activité de percussionniste et porte plus avant son engagement pour les compositeurs d'aujourd'hui et la création tous azimuts. Merci Pour Les Sons (MPLS), est la dédicace joyeuse faite en son temps par cet amoureux des sons qu'était à son interprète .

Les neuf numéros de ce premier album révèlent un univers singulier : « Un centimètre carré de la musique de est reconnaissable » souligne dans la notice du CD. Les titres des œuvres avant même la musique dévoilent son auteur : Accents dessus, dessous… du flux, du flou… des axes I. La proposition est sonore mais elle fait sens tout autant, surtout lorsque le titre précède l'écriture de la partition et en impulse les trajectoires. Le mix piano-percussion des trois premières pièces évoque l'univers percussif de Bartók dont l'écriture de Singier s'émancipe assez rapidement : par les ruptures et fragmentation du discours ainsi que le travail finement opéré sur les imbrications de timbre (« dessus, dessous ») dans une complémentarité organique de la sonorité : la couleur du bois avec marimba et piano (Axe I), les émanations scintillantes du vibraphone et du célesta (Axe II), les marteaux et la peau des timbales dans la toccata de l'Axe III jouée quasiment « en apnée » par (à qui l'œuvre est dédiée) et Marie-Joseph Jude.

Bartók demeure dans Élans, saccades, et biais de flux (1996) pour piano, superbement défendu par : écriture percussive, manière itérative et incisive, jeu rythmico-mélodique autour d'une polarité… Sans citation pour autant. Singier recrée son propre folklore imaginaire, entre rigueur et fantaisie. Fragments distincts, fouillis d'instants épuise le processus à l'œuvre dans la pièce précédente, en une minute et demi.

Au piano toujours avec Dominique Mi, Triés, pétris, pêle-mêle (1999) est un « huis-clos » très théâtral où le discours s'obstine, trépigne et renâcle, ludique autant qu'obsessionnel. La « conversation » s'anime – Aperghis n'est pas loin – dans Appendices pour flûte et violoncelle (1983), deux instruments dont Singier cherche à concilier la nature antinomique dans un flux alerte où les trajectoires « dessus, dessous » confinent à l'ambiguïté des timbres. Le profil boulézien de la flûte au tout début est une fausse piste !

De façon générale, les pièces sont courtes, relevant davantage du processus de la boucle que du développement. Telle Farandoles de bribes, en ribambelles (1997) écrite pour les dix ans de l', une partition pulsée et festive où l'ingénierie méticuleuse de l'écriture et la bonne humeur qui s'en dégage découvrent une autre facette du compositeur.

Dans Rouages d'oeillades, voire… les castagnettes et le balai sur la cymbale pointent d'un regard ironique le jazz et le folklore attachés à la guitare. L'œuvre est composée pour la formation atypique du Nieuw Ensemble d'Amsterdam incluant harpe, guitare et contrebasse, des instruments mis en valeur dans une partie centrale en creux. Mais ce n'est que dans l'ultime minute que s'entend la citation, malicieusement déformée, qui infiltre tout le matériau. Révisée en 1997, la partition est superbement colorée, par « emboitements de timbres » nous dit , et virtuosité de l'articulation. Elle scelle entre le compositeur et l' un compagnonnage fidèle autant qu'historique aujourd'hui, que consacre ce premier opus exemplaire dont on aime le camaïeu jaune de la jaquette.

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