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La Verità in Cimento sous la direction de Jean-Christophe Spinosi

Hier soir, l'opéra-théâtre de Massy proposait, sous la direction de et dans une mise en scène de , La Verità in Cimento, opera seria d'.

Les 800 places de ce théâtre moderne, spacieux et confortable avaient été prises d'assaut, en partie par un groupe de lycéens qui, après quelques chahuts d'usage, se montra particulièrement attentif. Ces derniers temps, de nombreuses opérations réussies, de ce genre, en direction des jeunes semblent conforter dans leurs initiatives ceux qui œuvrent avec mérite à l'éducation du public de demain.

La Verità in Cimento, treizième opéra de Vivaldi fut créé à l'automne 1720 au théâtre S. Angelo de Venise. A cette époque, Vivaldi était tombé quelque peu en défaveur. Pour des raisons à nous encore inconnues, il avait accepté un poste à Mantoue et y avait résidé pendant deux ans. Revenu dans sa Venise natale, Vivaldi s'était fait fort critiquer, entre autres par le compositeur amateur , pour ses attitudes novatrices et par trop indépendantes, esthétiquement, aux yeux des patriciens. Même si aucune production importante de Vivaldi ne s'était fait entendre à Venise depuis 1717, les portes des grands théâtres comme celles du S. Giovanni Grisostomo lui restèrent fermées.

Le livret du jeune poète Giovanni Palazzi repose sur un ressort à rebondissements quasiment inépuisable: deux bébés nés le même jour, tous deux fils du même sultan, ont été échangés à la naissance. Bien sûr, l'un a pour mère la sultane et l'autre, la favorite de Mamoud, qui fut un instant sa préférée et aux insistances de laquelle il céda pour que son fils pût accéder au trône. L'histoire se complique avec l'obligation pour la jeune Roxane, héritière du sultanat rival d'à côté, d'épouser l'héritier du trône de Mamoud, alors qu'elle semble être amoureuse de celui des deux fils qui serait exlcu de la succession.

A chaque récitatif son coup de théâtre, à chaque aria da capo l'état d'âme inverse du précédent, consécutif au revirement provoqué.

a choisi de camper les six personnages – le sultan, les deux fils, les deux mères et la fille-du-sultan-d'à-côté – dans un décor géométrique à pans de couleurs vives, assortis à la fameuse robe Mondrian qu'Yves Saint-Laurent créa au début des années soixante et dévolue à la future jeune sultane. Dans le fond de la scène, deux persiennes s'ouvrent et se ferment à volonté, pour laisser voir, au début de chaque acte, des extraits de film en noir et blanc et, le reste du temps, des créations video alternant avec des effets de transparence et d'ombres chinoises. Cet hommage rendu au grand couturier – et à Mondrian- semble assez bien venu car réussi esthétiquement et ayant pour effet de rapprocher l'action du spectateur, notamment lorsque Mamoud se met à dicter ses ordres dans un téléphone blanc et que la favorite renforce ses menaces en brandissant un revolver qui circule ensuite de personnage en personnage jusqu'à ce qu'en parte un coup vers le plafond.

L', sur instruments – ou copies d'– anciens restitue à ravir par la légèreté, la finesse et la vivacité de ses dynamiques le monde de l'esthétique vénitienne. Son chef, , entraîne ses musiciens en un ballet ondoyant au gré d'une accentuation rhétorique, en petites touches mordantes. Une merveille est de voir comment les musiciens du continuo se renvoient les accords comme en un jeu de ping-pong et en variant les modes d'attaque – les contrebasses passent en pizzicati étonnamment rapides à plusieurs reprises.

La vedette de ce spectacle est incontestablement le jeune sopraniste – annoncé comme contre-ténor – . Naturellement doué et à l'aise, même si l'on sait qu'il a beaucoup travaillé, il enchante instantanément par une grâce surnaturelle ceux qui pourraient se montrer les plus rétifs à ce type de voix. Et qu'il n'ait obtenu un premier prix au CNR de Paris qu'en juin dernier ne laisse pas d'augmenter l'admiration, voire l'adoration, que l'on éprouve pour ce tout jeune prodige.

La jeune future sultane, la soprano Noriko Urata, présente elle aussi des qualités vocales appréciables: timbre fruité et soutenu sur toute la tessiture, souplesse, bonne technique.

Le ténor n'est plus un inconnu du public de la musique baroque. Son sultan Mamoud, bien maîtrisé en général, a connu cette fois-ci, cependant quelques défaillances, en fin de phrases, dans les vocalises. Dommage!

Marie Kobayashi en sultane, Silvia Marini en favorite, en deuxième-fils-en réalité-le-premier, ont assuré leurs rôles avec leurs mérites respectifs et, au total, on peut dire que la production tient la route. Même si le miracle Jaroussky éclipse un petit peu tout le reste.

On notera que Vivaldi a campé toutes les tessitures dans le medium-aigu. Point de baryton ni de basse dans sa distribution.

Associé aux timbres aériens du théorbe, de la guitare baroque à dix cordes, du clavecin et des cordes jouées à l'ancienne – avec la main haut sur l'archet –, l'ensemble sonne agréablement nerveux et aérien, tout en dentelles délicates.

Crédit photographique : © Isabelle Levy

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