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Un Yutaka Sado « déchaîné »

Concert spectaculaire de l' ce vendredi soir Salle Pleyel avec deux œuvres grandioses et inédites : The Warriors de et la version « allongée » par des Planètes de .

Mais pour commencer le concert : le concerto pour trois pianos de Mozart. Il s'agit d'une œuvre de jeunesse toute belle toute jolie, bien écrite et pleine de charme, notamment dans le mouvement lent. Cependant la musique tourne un peu en rond et on s'ennuie parfois. Heureusement que Mozart a fait bien mieux dans ses concertos pour piano de maturité. Mais bon, il fallait bien rentabiliser les trois pianos et pianistes que l'on avait fait venir pour les Warriors de Grainger. Et c'est toujours une occasion d'entendre ce concerto somme toute sympathique, à défaut d'être génial.

J'ai été surpris de voir qu'il ne s'agissait que de la création française des Warriors de Grainger, donnés dès 1917 aux Etats-Unis. Mais j'avais oublié que les trois pianos très virtuoses et l'orchestre immense requis par la partition ne sont guère encourageant pour une large diffusion de l'ouvrage, même en disque où il n'existe à ma connaissance qu'un seul enregistrement marquant. Il s'agit de l'œuvre la plus aboutie de Grainger, son chef-d'œuvre en quelque sorte, une sorte de ballet d'une vingtaine de minutes. « What a mess ! » pourrait-on s'écrier après une première écoute. Un bordel, oui, mais un beau bordel, magnifique même. Il s'agit d'une succession frénétique de thèmes de toute beauté alternant rythmes complexes et trépidants et poésie sensuelle et intime. La musique est assez proche des Planètes de Holst par son aspect avant-gardiste. En fait, il s'agit presque d'un condensé comme si on avait compressé les 50 minutes des Planètes en 20 minutes pour n'en retenir que le plus marquant. Grande variété d'atmosphères avec de nombreuses recherches sonores : des pianos joués comme un gamelan balinais directement sur les cordes, un ensemble de cuivres en « sourdine » dans la coulisse, une large percussion. Une partition fascinante et entraînante, largement soutenue par nos trois pianistes très convaincants, et qui a complètement ravi le public nombreux de la salle Pleyel.

Les Planètes de Holst est une œuvre aujourd'hui bien ancrée dans le répertoire symphonique. Elles sont considérées à juste titre comme le chef-d'œuvre de son auteur. Mais il est injuste que ces Planètes aient mis dans l'ombre le reste de la production de ce musicien anglais atypique et avant-gardiste. Holst n'est pas le compositeur d'une seule œuvre. Que les amateurs des Planètes aillent écouter The Cloud Messenger, The Hymn of Jesus, The Choral Symphony ou Savitri, ils y découvriront de pures merveilles dignes de leur grande sœur aînée les Planètes. Je dois dire cependant que j'aime beaucoup les Planètes (au point d'avoir transcrit pour orgue « Saturne » dont la puissance évocatrice est magnifiquement rendue par le roi des instruments) et c'est toujours un réel plaisir d'entendre en concert une musique aussi spatiale et envoûtante. La version proposée ce soir est une originalité. Aux sept planètes composées par Holst, le compositeur anglais a rajouté en 2000 une huitième, « Pluton, le renouveau », oubliée par Holst car inconnue à son époque. Cette version « achevée » des Planètes avait été créée par Kent Nagano et le Hallé Orchestra en 2000 et enregistrée chez le label Chandos. On pouvait être curieux de cette conclusion. Serait-ce un pastiche à la manière de Holst ou une œuvre au style totalement personnel ? En fait, la solution se trouve entre les deux, et correspond peut-être à la vraie personnalité de Matthews. On y sent une évidente continuité envers la musique de Holst, mais aussi une ouverture vers l'avenir, comme si on quittait le système solaire vers la découverte de nouveaux mondes. Bref, le « Pluton » de Matthews tient à la fois des Planètes de Holst et, par exemple, des récents Antarès et Sirius de . L'œuvre est assez noire, on y ressent au début une sorte de vent glacial, un vent sidéral pour ainsi dire. C'est une sorte de paysage désertique et hostile, froid et sombre, traversé par de grandes explosions sonores saisissantes.

Les chœurs féminins de « Neptune » font une brève réapparition à la fin avant de se dissiper dans l'infini de l'univers. Je dois dire que j'ai été assez surpris, puis séduit, par ce « Pluton » de Matthews et qu'après l'avoir entendu, j'imagine mal une autre description de cette planète si mystérieuse. Je ne sais pas si cette version « complète » de l'œuvre de Holst s'imposera dans l'avenir. En tout cas, elle le mériterait.

Que de merveilles dans ce programme de Radio France. Une belle et non inutile curiosité avec le « Pluton » de Matthews. Et une réelle découverte avec les « Warriors » de Grainger. Car si je connaissais déjà l'œuvre au disque, l'interprétation donnée en concert par l' exalte et décuple la magnificence de cette musique. était d'ailleurs complètement « déchaîné » dans cette partition foisonnante, sautant dans tous les sens tout en gardant une maîtrise parfaite de son orchestre.

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