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Laurence Equilbey, à chœur et à cri

Concert d'ouverture de la Biennale d'art vocal / Cité de la musique

Avant de donner le coup d'envoi à cette semaine consacrée aux ensembles vocaux, , directeur de la Cité de la musique, a rappelé, avec beaucoup d'émotion, la disparition, mardi dernier, de l'une des grandes figures de la musique d'aujourd'hui, . Pour ce grand humaniste, la voix aura été un merveilleux générateur de sons et d'inspiration. A la tête du Chœur de chambre , lui rendait hommage à son tour en ouvrant le concert sur une chanson sicilienne arrangée pour chœur par le compositeur italien en 2002, ultime joyau qui, ajouté au corpus des Folk Songs, dit son amour et son attachement à la terre et à ses traditions.

La première partie de cette soirée était en majeure partie consacrée à des transcriptions pour chœur de , compositeur allemand (1824-1874) dont l'œuvre entier est voué au lied et à la musique chorale. Les trois Psalmlieder sont de curieux arrangements de danses extraites des Suites françaises et des Suites anglaises de Bach. Grablied est un agrandissement du lied de Schubert Der Tod und das Mädchen, dont il réverbère la poignante résonance. De Cornelius lui-même, le Requiem pour chœur mixte ainsi que le lied Der Tod, das ist die kühle Nacht, sur des paroles de Heinrich Heine, évoquent inévitablement Brahms, ses élans, sa ferveur et la plénitude de son écriture chorale, malgré des dimensions beaucoup plus modestes. Le chœur de chambre trouvait ici une homogénéité de timbre et l'épaisseur du son qui conviennent à l'humeur romantique.

La transcription du dernier des quatre Lieder eines fahrenden Gesellen de Mahler par donne, il faut bien l'avouer, une pâle version du chef-d'œuvre originel, privé de ses contrastes de lumières, de l'espace orchestral et des couleurs dramatiques que suscitent les instruments. Faut-il nous infliger une telle frustration ?

La seconde partie du concert allait combler notre attente, avec la représentation haute en couleurs de la scène liminaire du sixième volet – Mittwoch aus Licht (Mercredi de lumière) – du cycle d'opéras Licht, dont se faisait ici le Magister Ludi. Composé en 1995, Welt-Parlament (Le Parlement du monde) est écrit pour trente-six voix et un président de séance (Jean-Yves Ravoux, très en verve) qui annonce l'ordre du jour : « l'amour est ici notre thème ». Répartis en douze groupes, les parlementaires du monde (tous en possession d'un métronome) chantent dans des langues inconnues et sur des rythmes différents. A intervalles réguliers, certains parlementaires, des entités cosmiques plus qu'humaines, occupent le centre de la scène et chantent leurs déclamations sur l'amour. Le président commente, le chœur apprécie, jusqu'à ce que le concierge vienne bouleverser l'ordre établi… La source électroacoustique mixée à cette « sinfonia » visuelle et colorée accuse le climat onirique et surréaliste que Stockhausen aime entretenir dans son univers sonore. Rappelons qu'avec Licht, l'œuvre des sept jours, , comme , est l'un des rares compositeurs de sa génération à avoir focalisé son activité créatrice sur l'opéra.

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