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Concours international des Jeunes Chefs d’Orchestre, Edition 2003

Le quarante-huitième Concours International des Jeunes Chefs d'Orchestre de Besançon, prestigieuse émanation du Festival International de Musique, n'a pas couronné de lauréat. Ainsi en a décidé le Jury (¹) de cette édition 2003 : faute de pouvoir recueillir l'unanimité de ses suffrages (c'est le règlement) sur un seul nom – trois finalistes ce vendredi 19 septembre – celui-ci a déclaré, sur le coup de minuit, par la voix de son président Mathias Bamert, « ne pas pouvoir se déterminer à désigner un vainqueur ».

Surprise et déception des candidats ainsi que du public, comme on peut l'imaginer ! Ce dernier venait de se prononcer – mais sans incidence aucune sur la décision finale – en faveur du candidat russe, . Pour mieux comprendre le fonctionnement de cette institution et admettre un tel arrêt, parcourons-en l'historique.

Le plus prestigieux concours de direction d'orchestre au monde, après « le » Mitropoulos de New-York, est né en 1951. Il a connu jusqu'en 1992 une périodicité annuelle, certains noms marquant d'une pierre blanche l'égrènement des années. Pour mémoire : (en '59), (en ‘62), Zdenek Macal (‘65), Jesus Lopez-Cobos (‘67), (‘74) ou (‘89). D'autres ex-lauréats ont connu – ou connaissent – une postérité plus modeste, moins médiatique, ou encore sont tombés dans l'oubli. Idem des lauréats de grands prix instrumentaux…

Depuis 1992, la compétition est devenue biennale. Elle alterne avec le concours international de composition pour orchestre (également organisé par le ). L'oeuvre lauréate de celui-ci est d'ailleurs soumise – en création – à l'épreuve finale de Direction, l'année suivante.

Annuel ou biennal, le principe n'a cependant pas varié : sur la totalité des candidats déclarés (deux cents cette année), une présélection (à Besançon, New-York et Saint-Pétersbourg) en retient une vingtaine pour le mois de Septembre. Se déroulent alors les épreuves publiques : un huitième de finale voit chuter cinquante pour cent l'effectif ! Les dix impétrants admis au quart de finale ne sont plus que six pour les épreuves de demi Finale. Enfin, trois d'entre eux disputent la Finale.

Le règlement stipule cependant (dura lex…) que le Jury « se réserve le droit de ne pas attribuer le Grand Prix de Direction », ce dernier « ne pouvant être partagé » et requérant l'unanimité. Aussi le choix – ou plutôt le non-choix – de cette année n'est-il pas une « première », puisque le même cas de figure s'est déjà produit à huit reprises dans le passé.

Ces péripéties constituent un véritable parcours d'obstacles de type marathonien. Tant pour les postulants que pour l'orchestre : soumis à rude épreuve lui aussi, mais « bon bougre », telle une machine bien huilée, il accepte globalement sans broncher les « caprices » de ses conducteurs successifs. Que ce soit le public assidu tenant à suivre jusqu'au bout le parcours de son champion favori, ou bien les spectateurs sans parti pris, chacun a faite sienne la philosophie du « que le meilleur gagne ! ».

On a dit « marathon » ? Qu'on en juge : chaque candidat(e) (deux jeunes femmes, l'une chinoise, l'autre coréenne, étaient présentes en demi finale) a à cœur de s'imposer tour à tour dans le répertoire symphonique (classique, romantique ou post-romantique) ; ainsi que dans le domaine de la cantate/oratorio et/ou l'opéra. En lice, des musiciens aussi différents que Mozart, Gluck, Berlioz, Weber, Liszt, Mendelssohn, Saint-Saëns, Debussy, Stravinsky, Yeznikian ! Le tout (pour les finalistes) sur quatre journées ; avec, chaque fois, trente minutes pour convaincre. Et l'agaçante, l'atroce petite sonnette du président du Jury qui les coupe parfois en plein élan, juste avant le fortissimo qui va (pensent-ils) assurer leur triomphe.

Se succèdent des personnalités très différentes : dans leur tenue vestimentaire, l'assurance apparente affichée ou la fébrilité trahie ; la baguette déjà affirmée ou absente « à la Boulez » ; la battue précise, élégante ou quelque peu brouillonne… L'œil attentif ou vague, l'intervention pertinente ou vaine voire chipoteuse, le contact avec l'orchestre (les solistes, le chœur) timide ou plein d'assurance – froid ou chaleureux. En fait, la marque d'un « métier » déjà effectif comme celle d'un professionnalisme encore balbutiant …

D'entrée, la demi-finale (six candidats pour l'épreuve d'opéra) est entachée d'un incident qui va quelque peu déstabiliser le candidat russe, et écourter sa prestation : une soliste du chœur absente, et un défaut de retour du son empêchent une partie du chœur – alors en coulisse – de percevoir convenablement l'orchestre. Le jury passe outre cet épisode problématique de la partition. L'incident a-t-il profité au candidat ainsi désorienté, par ailleurs méritant ? Toujours est-il que se retrouvent en piste pour la dernière ligne droite :

– le Russe : ,

– le Canadien : Michael Hall,

– le Japonais : Shigekazu Yonezaki.

Chacun d'eux mène alors le « Sabbat » de la Fantastique à sa guise. La confrontation tourne ici à l'avantage du chef russe. Le Canadien Michael Hall, parfaitement à l'écoute de la pianiste (), en phase avec son escouade, semble à son affaire dans Saint-Saëns (Deuxième Concerto en sol mineur). Quant au Japonais Yonezaki, il donne, pour sa part, l'impression de dominer au mieux la partition-création (prix de composition 2002) de F. Yeznikian, dont il dégage toute la poésie.

Après trente minutes de délibérations, le verdict tombe, derrière le sourire un peu contrit des candidats, les murmures désapprobateurs du public – ainsi que quelques sifflets de l'orchestre. Trois rêves se sont brisés. Il reste, pour chacun, l'hypothétique espoir de quelque engagement à venir.

(¹) Composition du Jury 2003 :

(Suisse), président.

(France), directeur de l'Orchestre de Besançon.

Janos FURST (Hongrie).

(Espagne).

Alain PARIS (France) ex-lauréat (1968), et à ce jour le plus jeune (21 ans), du Concours. Auteur du  » Dictionnaire des Interprètes « .

Elina Siltanen (Finlande) directrice du Philharmonique d'Helsinki.

David Cairns (GB) auteur d'une biographie en deux volumes de Berlioz.

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