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Berlioz – Oeuvres pour choeur

Si dans un bac du rayon « classique », à l'onglet « Berlioz », et derrière Les Troyens, trois ou quatre « Fantastiques » et autres Nuits d'Eté, vous tombez sur ce modeste surgeon de l'abondante floraison du bicentenaire, posez-vous la question : que sais-je de ce -là ? 

Le Berlioz qui précède de quelques mois la « sortie » de la Symphonie Fantastique. Celui des Mélodies Irlandaises d'après des textes de Thomas Moore — et au poète dédiées —. Ce même Thomas Moore à qui Schumann songera à son tour, en 1843, en s'inspirant de l'orientalisante Lalla Rookh pour son oratorio profane : Le Paradis et la Peri. C'est aussi celui de Tristia (le Ballet des Ombres, La Mort d'Ophélie), de Romeo et Juliette (Mab), de Lélio (Miranda, Chanson de Brigands, Chœur d'Ombres)… En fait, un florilège des pièces essentiellement chorales de Berlioz, dans des versions avec accompagnement de piano. Celui-ci accentuant le caractère intimiste de ces pièces qui prennent, du même coup, un aspect de Lied à la française.

C'est d'ailleurs en 1829, soit un an après la mort de Franz Schubert, que sont données, en première audition les « mélodies » irlandaises d'après Thomas Moore. Le célèbre Fétis, dans sa Revue Musicale en rend compte en ces termes : « Il y a du charme dans ce recueil de mélodies, et l'on voit clairement que M. Berlioz n'a qu'à vouloir pour entrer dans une route naturelle, la seule qui conduise à des succès durables ». On imagine le sourire et les réflexions « in petto » du bouillant Hector à la lecture de cette appréciation, au moment même où il élabore déjà les « épisodes de la vie d'un artiste », future « Symphonie fantastique »… Et l'illustre dauphinois libéré (des contraintes de la « route naturelle » ?) ne se privera pas d'égratigner méchamment le critique dans son Lélio de 1832, où l'acteur du rôle-titre dénonce : « ces tristes habitants du temple de la Routine » !

Après une brève et globale présentation de , la notice — bilingue — sous la plume de Jean-Yves Bras, caractérise chacune des pièces enregistrées ici. Aussi nous n'allons pas en faire la redite. Les textes sont fournis, intégralement. Qu'elle soit proposée en version chorale originale ou adaptée (ainsi la réduction à deux voix et piano — 1850 — d'Auguste Morel pour Sara la Baigneuse), l'interprétation est toujours plaisante et convaincante. Le travail spécifiquement choral s'avère particulièrement soigné, fouillé, d'une grande finesse, tant dans l'articulation et le jeu infini des nuances (du mezza voce murmuré à l'énergique forte) que dans la volonté manifeste de « coller » au mieux à l'esprit de chaque pièce. Quant aux solistes, ils se montrent, vocalement et stylistiquement, parfaits. , en accompagnateur subtil et sensible, comme à son habitude, prête un concours efficace et irréprochable de musicalité.

A l'instant où EMI, avec Michel Plasson, l'orchestre du Capitole de Toulouse et le chœur « les Eléments » de Joël Suhubiette, vient de sortir un enregistrement où figurent plusieurs des pièces proposées ici, sans doute n'est-il pas inintéressant de confronter les deux points de vue ? Mais, à petit prix (Musique d'abord !), d'une qualité artistique et technique de premier ordre, on aurait tort de se priver de ce Berlioz-là, intime, charmeur et raffiné.

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